Le 8 octobre dernier, à l’occasion du lancement de ses nouvelles perspectives pour l’économie africaine, la Banque mondiale a annoncé qu’en raison de la pandémie de la Covid-19, près de 43 millions d’Africains pourraient basculer dans l’extrême pauvreté en 2020. Pour l’institution, « cela correspondrait à l’anéantissement d’au moins cinq années de progrès dans la lutte contre la pauvreté en Afrique ». Pire, la croissance en Afrique subsaharienne devrait chuter à -3,3 % en 2020 au lieu d’une récession de -2,8% précédemment annoncée en juin, ce qui plongerait la région dans sa première récession depuis 25 ans. Cette contreperformance pourrait être induite par les conséquences de la pandémie sur les économies africaines qui devraient voir leur progression de ces dernières années être stoppée en 2020.
On estime désormais que le ralentissement substantiel de l’activité économique coûtera à la région au moins 115 millions de dollars de pertes de production cette année. La croissance du PIB/habitant elle, devrait se contracter d’environ 6,0 %, « en partie à cause de la baisse de la consommation intérieure et des investissements induits par les mesures de confinement visant à ralentir la propagation du coronavirus ». Mais tous les pays ne devraient pas être affectés de la même manière. Selon l’institution de Bretton Woods, les pays dépendant des exportations de matières telles que les hydrocarbures et les métaux précieux seront les plus impactés économiquement par la crise. En revanche, le déclin de la croissance en 2020 devrait être modéré dans ceux non producteurs d hydrocarbures. Une autre catégorie tels que la Côte d’Ivoire, l’Ethiopie ou encore le Kenya devraient d’ailleurs maintenir une croissance positive en raison du caractère un peu plus diversifié de leur économie.
Face à cette situation, la Banque mondiale propose quelques pistes de solutions dans son nouveau rapport Africa’s Pulse intitulé « Tracer la voie de la relance économique », publié le 8 octobre 2020. L’institution prescrit un agenda de réformes axées sur 3 piliers pour doper l’emploi dans la région. Il s’agit d’abord d’investir lourdement dans l’infrastructure numérique, mais aussi dans la régulation du secteur. Cette mesure apportera plus de compétitivité et d’accessibilité aux populations, permettant en effet d’avoir un internet fiable, accessible, qui sera un outil de relance économique. Le deuxième axe de la réforme recommande aux pays africains de se focaliser immédiatement sur la transformation de la valeur ajoutée des produits avant l’exportation. Selon les statistiques, le continent dépend actuellement en grande partie de l’exportation des matières premières brutes. Une transformation permettra donc de créer des emplois pour la jeunesse africaine, mais aussi pour les femmes. Et enfin, le troisième axe de réforme est de mieux intégrer les pays africains sur le plan spatial. Une meilleure connexion des villes et des campagnes permettra d’augmenter la productivité du secteur agricole, moteur du développement. Cette nouvelle politique aura pour effet de réduire le coût des entreprises, qui à leur tour pourront créer des emplois nécessaires pour la jeunesse.
Le continent doit également accélérer le processus de création de chaînes de valeurs régionales, ce qui devra renforcer le commerce interafricain. D’ailleurs, la crise a permis aux pays de l’Afrique de l’est d’augmenter le commerce intra-régional.
Selon Albert Zeufack, économiste en chef à la Banque mondiale pour l’Afrique, la voie de la relance économique s’annonce longue et difficile, mais « elle peut être accélérée, solide et plus inclusive si les pays africains accordent la priorité aux réformes et aux investissements qui permettront de relever le défi de créer davantage d’emplois inclusifs et de meilleure qualité ».