Emmanuel Noubissie Ngankam et Eugène Nyambal pensent que le Cameroun devrait sortir du programme avec cette institution pour se doter de politiques ambitieuses devant lui permettre d’atteindre les objectifs de sa vision 2035.
«Le Cameroun de demain : prospective sur les 13 prochaines années». Tel a été le thème de la conférence organisée par « Le Quotidien de l’Economie » le 13 mai 2024 à l’occasion de sa 13ème année d’existence à l’hôtel « La Falaise » de Yaoundé. Au delà de la célébration de son 3000ème numéro, le journal que dirige Thierry Ekouti a donné l’occasion aux économistes camerounais de dresser le diagnostic des maux qui minent l’économie de leur pays. L’un des problèmes recensés est son entrée dans les programmes du Fonds monétaire international (FMI). En effet, le pays vient de renouveler son programme avec cette institution de Bretton Woods. Pour Eugène Nyambal, ancien conseiller principal de l’Administrateur pour l’Afrique au FMI, ex chef de projet à la Banque mondiale, et ex responsable de la stratégie pour l’Amérique latine à la Société financière internationale (SFI), ils éloignent le Cameroun de l’objectif de 2035. « Ils ont pour objectif premier, de dégager des surplus pour payer la dette. Il n’adresse pas les problèmes structurels du Cameroun. Il faut sortir de ces programmes pour se doter de politiques ambitieuses », suggère-t-il. Poursuivant son propos, il argue que le programme avec le FMI n’aide pas le Cameroun. A la place, il faut adresser les problématiques liées à l’eau, l’électricité, les télécommunications, la gestion du capital humain et des finances publiques. Sans ces impératifs, l’atteinte des objectifs de la SND30 serait une illusion.
PLAidoyEr Pour uNE réviSioN dE LA SNd30
Un avis que partage Emmanuel Noubissie Ngankam, ancien représentant résident de la Banque mondiale en Algérie, par ailleurs consultant international. Selon lui, le premier produit d’exportation du Cameroun, ce sont les Camerounais. Si le capital humain dont il dispose était mis à contribution, le pays ferait de bons prodigieux. En outre, la vision 2035 et ses démembrements que sont le Document de stratégie pour la croissance et l’emploi (Dsce) remplacé par la Stratégie nationale de développement 2020-2030 (SND30) ou même le Plan directeur d’industrialisation (PDI) sont très bien écrits et même sur le plan opérationnel, leur mise en œuvre pourrait permettre au pays de faire des grands bons. Mais le problème déplore-t-il, réside dans la mise en œuvre. Pour l’expert, il serait opportun de faire une revue à mi-parcours de la vision 2035 pour déceler les lacunes et apporter des ajustements nécessaires. «La Covid-19 et la crise russo-ukrainienne auraient pu susciter une révision de la SND30. Il va falloir travailler sur la visibilité et la pré- visibilité du pays. Car actuellement, le pays est jugé risqué par les investisseurs. Il va falloir aussi améliorer la productivité des facteurs. Quand vous mettez 8 ans pour faire ce que les autres font en deux ans, il y a problème d’autant plus qu’il coûte deux fois plus que la normale. Nous avons aussi un gros problème d’investissement public. La gestion de l’investissement public est un gros problème », propose-t-il.
L’iMPérAtiF dE LA boNNE gouvErNANCE Et dE LA CoMPétitivité dE L’éCoNoMiE
De l’avis de ces deux experts, le Cameroun est confronté à des crises multiples(sécuritaire, économique, etc). Ça donne l’impression qu’il n y a pas de perspectives. Pourtant, le pays ne fonctionne qu’à 20 ou 30% de son potentiel. Comme solution, Martin Abega, consul honoraire des Pays-Bas au Cameroun et par ailleurs, ancien secrétaire exécutif du Groupement inter patronal du Cameroun (Gicam) devenu Gecam, recommande aux pouvoirs publics de régler les problèmes de gouvernance et de compétitivité de l’économie. L’analyse des indicateurs actuels par rapport aux prévisions de la boussole que s’est doté le Cameroun montre qu’on n’est pas en train d’aller dans la bonne direction. A titre d’illustration, le taux de croissance supposé être à 5%, l’est aujourd’hui à 3,3%, et la majeure partie de la population travaille dans l’informel…
Les experts fustigent également l’incohérence entre les politiques budgétaires et les objectifs de la SND30. Plus de la moitié du budget de l’Etat est consacrée au fonctionnement, tandis que l’investissement détient un part minime. Pour pallier cela, Eugène Nyambal propose au gouvernement de se doter de politiques axées sur ces objectifs à l’instar des plans quinquennaux implémentés au Rwanda et en Malaisie pour ne citer que ces pays. «L’objectif est de permettre aux Etats de se doter de stratégie leur permettant d’atteindre leur croissance économique à l’image de ce que font les entreprises principalement les multinationales », explique-t-il. En effet, la vision 2035 du chef de l’Etat, Paul Biya vise outre la réduction de la pauvreté, la transformation du Cameroun en un pays à revenu intermédiaire et industrialisé à terme.
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Eugène Nyambal, ancien conseiller principal de l’Administrateur pour l’Afrique au FMI
« Le programme avec le FMI n’aide pas le Cameroun »
La SND est un très bon document, mais sa mise en œuvre pose problème. L’entrée dans les programmes du FMI nous éloigne de l’objectif de 2035. Ils ont pour objectif premier, de dégager des surplus pour payer la dette. Il n’adresse pas les problèmes structurels du Cameroun. Il faut sortir de ces programmes pour se doter de politiques ambitieuses… La SND a fait un très bon diagnostic de la situation du Cameroun. Le problème réside dans la cohérence entre les objectifs du document et les actions du gouvernement. Il y a aussi une incohérence au niveau de la gestion des finances publiques. La majorité des ressources est destinée au fonctionnement et au paiement de la dette. Il faut réduire le train de vie de l’Etat et améliorer le climat des affaires. La pression fiscale ne touche qu’un petit groupe d’entreprises, ce qui tue l’activité économique. Il y a très peu d’investissements dans les projets sociaux. Le programme avec le FMI n’aide pas le Cameroun. Il faut adresser les problématiques de l’eau, électricité, télécommunications, gestion du capital humain, et des finances publiques pour l’atteinte des objectifs de la SND30.
Emmanuel Noubissie Ngankam, ancien représentant résident de la Banque mondiale en Algérie
« Il serait opportun de faire une revue à mi-parcours de la vision 2035 »
Le premier produit d’exportation du Cameroun, ce sont les Camerounais. Si on le mettait à contribution, le pays ferait de bons prodigieux. La vision 2035 et ses démembrements que sont le Dsce et la SND30 ou même le Plan directeur d’industrialisation (PDI) sont très bien écrits. Même sur le plan opérationnel, leur mise en œuvre pourrait permettre au pays de faire de grands bons. Mais, le problème réside dans la mise en œuvre. Il serait opportun de faire une revue à mi-parcours de la vision 2035 pour déceler les lacunes et apporter des ajustements nécessaires. La Covid-19 et la crise russo-ukrainienne auraient pu susciter une révision de la SND30. Il va falloir travailler sur la visibilité et la prévisibilité du pays. Car actuellement, le pays est jugé risqué par les investisseurs. Il va falloir aussi améliorer la productivité des facteurs. Quand vous mettez 8 ans pour faire ce que les autres font en deux ans, il y a problème d’autant plus que les projets coûtent deux fois, voire trois fois plus que la normale. Nous avons aussi un gros problème d’investissement public. Il faut une meilleure gestion de l’investissement public.