Vous êtes ici
Accueil > Enquêtes > VISA D’ETUDES : Controverses autour des cautions scolaires vers la France

VISA D’ETUDES : Controverses autour des cautions scolaires vers la France

De nombreuses entreprises collectent sur le territoire camerounais avec l’agrément français, les fonds des étudiants évalués chaque année à plusieurs dizaines de milliards de Fcfa, alors que cette activité est réservée aux établissements de crédit selon la règlementation locale en vigueur.

Chaque année, des milliers de jeunes Camerounais empruntent le chemin de l’Europe et plus particulièrement de la France dans le but de poursuivre leurs études supérieures. Parmi les formalités administratives d’obtention de visa requises pour le succès de leur périple, figure en bonne place l’Attestation de virement irrévocable (AVI) encore appelée caution bancaire. Pour le cas de la France, il s’agit d’un document incontournable qui garantit aux services consulaires que l’étudiant aura les ressources financières nécessaires pour une année d’étude dans le pays. Plus concrètement, la somme de 7380 euros (4 884 000 Fcfa) exigée vise à assurer et à garantir en même temps à l’apprenant étranger un bon niveau de vie pendant son séjour.

Mais selon le constat fait sur place au Cameroun, la délivrance de l’AVI réservée en principe aux établissements financiers, notamment les banques, est sujette à controverse. En effet, près d’une quinzaine de structures se présentant comme des sociétés financières internationales ont investi le secteur pour offrir ce service. D’ailleurs, c’est une véritable bataille concurrentielle que se livrent ces opérateurs dans le but d’engranger des parts conséquentes dans ce marché jugé véritablement juteux.

DeS OpérATeurS réguLéS pAr Le CODe mONéTAire FrANçAiS

Sauf que de l’avis des experts de la finance, plusieurs de ces structures financières non bancaires, bien qu’elles soient conformes pour certaines à la règlementation en vigueur en France, pays d’accueil des étudiants, en ce qui concerne l’exercice de cette activité, exercent de manière illégale au Cameroun si l’on s’en tient à la règlementation en place et dans la sous-région à travers de la Commission bancaire d’Afrique centrale (Cobac) en matière de collecte de fonds. Selon un expert de la finance bancaire, « ces opérateurs sont régulés par le code monétaire français et par conséquent, fonctionnent avec des agréments français sur le territoire camerounais. Même si certaines sont immatriculées au registre des agents financiers et organismes enregistrées auprès de l’Acpr, l’organisme de la Banque de France qui régit les acteurs intervenant dans les activités financières, leur fonctionnement est illégal sur le sol camerounais parce que l’activité d’encaissement et de transfert des fonds pour des comptes de tiers est réservées uniquement aux établissements financiers d’une certaine catégorie ». Et notre source d’ajouter : « d’ailleurs, même en France où elles disent tirer leur légalité, ce ne sont pas toutes ces structures qui bénéficient du statut de prestataire de service de paiement ou d’agent de prestation de service de paiement qui impliquent un enregistrement ou un agrément auprès de l’Acpr selon les lois en vigueur dans le pays ». Autre précision de taille, les mêmes lois renseignent qu’elles ne sont autorisées qu’à fonctionner sur le territoire français.

Dans un article pluri-rédactionnel publié le 15 avril 2024 par le journal en ligne « Le Nouveau Cameroun » et dans plusieurs autres médias cybernétiques, l’on apprend qu’une étude a été réalisée au Cameroun dans l’optique de vérifier la conformité de ces entreprises qui se pré- valent de fournir des AVI ou cautions bancaires au profit des étudiants voulant rejoindre la France. « Les résultats de celleci ont montré que sur les structures impliquées dans ce segment d’activité, 7 agissent dans l’illégalité. Ce, faute de ne s’être pas fait immatriculer auprès de l’Acpr et de ne figurer sur l’unique registre des agents financiers français autorisé d’exercice par l’Acpr, ci-dessus cité. Il s’agit ici de : AVI Center, Ready study go ; EduPass ; Boaz study ; CBE ; Yimmiline et L’étudiant étranger. Une structure financière dans le cas d’espèce à savoir Studely s’est avérée être la seule en droit de fournir ce service », peut-on y lire. Sauf que même si cette dernière est en conformité avec la France, ce n’est pas le cas ici au Cameroun où elle n’est pas habilitée à collecter des fonds malgré les avantages qu’elle pré- tend offrir aux étudiants par rapport aux banques.

uN mODe OpérATOire DOuTeux

Sur le plan pratique, même le mode opératoire de ces entreprises suscite des questionnements. D’après notre enquête, le scénario est tel qu’au moment de la demande de l’AVI, l’étudiant dépose son argent dans le compte de l’entreprise alors que cela devrait se faire directement dans une banque. En plus, on lui génère un Relevé d’identité bancaire (RIB) locale. «Ensuite, un RIB français est donné à l’étudiant camerounais se trouvant encore sur le territoire camerounais. Or, pour créer un compte en France, il faut être hébergé en France et avoir un titre de séjour ou un visa de type long séjour ou cours séjour justifiant d’au moins 6 moins dans le pays », précise sous le sceau de l’anonymat un acteur de la filière.

Le processus se poursuit par le transfert des fonds collectés au Cameroun aux établissements financiers en France. Conséquence, en déposant directement l’argent auprès des établissements financiers partenaires dans l’Hexagone, ce sont d’importantes devises qui sont rapatriées hors du Cameroun, au grand dam de l’économie locale.En outre, dans ce contexte de flou généralisé, les épargnes des étudiants encaissées par ces prestataires se retrouvent en insécurité et courent le risque d’être perdues au cas ces prestataires viendraient à être suspendus pour illégalité, que ce soit en France ou au Cameroun. Les dizaines de milliards de Fcfa collectés chaque année sans véritable contrôle par des individus pourraient se volatiliser du jour au lendemain. Ce qui causerait alors un préjudice financier énorme aux nombreuses familles qui consentissent à d’importants sacrifices, pour donner à leurs progénitures la chance de faire de meilleures études.

Mais à noter que si cet argent est déposé en toute légalité auprès des établissements de crédit habilités à délivrer les AVI, des mécanismes d’indemnisation des étudiants sont prévus en cas de problème au niveau de la sous-région.

DeS eNTrepriSeS qui S’exTirpeNT Du LOT

Toutefois, quelques entreprises opérant dans la délivrance des AVI pour la France s’extirpent du lot. D’après nos investigations, des documents obtenus auprès du greffe au Cameroun nous font état de ce que certaines de ces sociétés sont enregistrées en tant qu’entreprises camerounaise avec comme gérants des Camerounais également. Par ailleurs, sur le terrain, elles opèrent plutôt comme des commerciaux qui vont chercher des clients pour les banques auprès des universités, aidant les étudiants à travers ce service proposé, à ouvrir des comptes bloqués auprès de leurs banques partenaires. Ce qui est totalement différent de la collecte des fonds. Un mode opératoire on ne peut plus rassurant.

Laisser un commentaire

Top