Le Comité national économique et financier suggère à l’Etat de faire de ces structures des institutions de deuxième niveau beaucoup plus efficientes.
Selon la Stratégie nationale de développement du secteur financier (Sndsf) soumise à l’approbation du gouvernement par le Comité national économique et financier (Cnef), le manque de ressources est aggravé par l’inefficience des institutions publiques de financement qui en bénéficient. C’est le cas du Crédit foncier du Cameroun (CFC) et de la Banque camerounaise de petites et moyennes entreprises (BC-pme) dont les modèles d’affaires doivent être transformés pour en faire des institutions de deuxième niveau, beaucoup plus efficientes tout en restant au service de la stratégie nationale.
En effet, le repositionnement institutionnel du Crédit foncier du Cameroun (CFC) est l’un des principaux piliers de la Stratégie nationale de développement du secteur financier (Sndsf) pouvant avoir un impact significatif sur la croissance. Le Cnef suggère à l’Etat camerounais d’en faire un fournisseur de liquidités de longue maturité aux établissements de crédit. « Ce qui aurait pour effet de généraliser le crédit immobilier et de l’amplifier », indique-t-il. Seul prêteur direct significatif au secteur du logement, le CFC décourage la concurrence privée sans avoir les moyens de répondre à l’immense demande du marché selon les experts financiers. Comme dans les pays voisins, le financement dédié au logement (c’est-à-dire essentiellement le financement hypothécaire) est très peu développé. La plupart des investissements proviennent des institutions de financement du développement ou d’investisseurs liés au gouvernement.
LES DiFFérENtES tArES DU créDit FoNciEr DU cAmEroUN
Les contraintes sont multiples et ne sont pas spécifiques qu’au Cameroun cependant, on cite en premier, le manque de fiabilité des titres fonciers et la difficulté de leur transfert. Ensuite viennent des taux d’intérêt hypothécaires prohibitifs pour la plupart des ménages, reflétant à la fois le coût de la liquidité à long terme (faible transformation et ressources longues rares), le risque de non-recouvrement de l’hypothèque en cas de défaut et le coût des processus d’enregistrement et de recouvrement. En réponse à ces contraintes, le CFC a été créé par l’État par décret du 13 mai 1977, modifié et complété par celui du 17 Juin 1981. Mais, force est de constater que la structure ainsi définie est inadéquate pour plusieurs raisons : La première a trait au fait que les taux proposés (4,5% en moyenne, de 1% pour les jeunes à 7% pour les promoteurs du secteur « libre ») sont inférieurs aux coûts des banques commerciales. Alors qu’un marché du crédit hypothécaire certes modeste étant donné les contraintes précitées aurait pu émerger. Mais le CFC a évincé toute banque du marché. L’autre raison a trait à son incapacité à entamer le déficit de logement du pays en finançant au maximum 300 logements par an face à un déficit (en croissance) estimé à plus de 2 millions d’unités. Les ressources du CFC devraient être utilisées pour faire levier sur le marché.
Enfin, le CFC, bien que bénéficiant du privilège du Trésor, supporte un risque de crédit supérieur à celui des banques commerciales. D’une part, il semble que le nombre élevé d’institutions publiques bénéficiant du privilège du Trésor a fortement érodé son efficacité. D’autre part, le fait pour une institution entièrement publique de prêter directement au public provoque un aléa moral qui dégrade le coût du risque. Pour cette raison, transformer le CFC en banque autorisée à collecter les dépôts en vue d’augmenter les montants de crédits directs conduirait à aggraver l’inefficience du système. Société à capital public avec conseil d’administration placée sous la tutelle du ministère des Finances, la mission du CFC à sa création est premièrement d’apporter son concours financier à la réalisation de tout projet destiné à promouvoir l’habitat. A ce titre, il est notamment habileté à financer les projets d’aménagement de terrains à bâtir et/ou de construire d’ensembles immobiliers à usage d’habitation destinés à l’accession à la propriété. Elle a aussi vocation à financer les projets immobiliers à usage d’habitation destinés àla location, rechercher et mettre en place les financements nécessaires aux sociétés publiques ou privées ainsi qu’à la réalisation de tous programmes de logements sociaux. En outre, elle collecte et reçoit les dépôts d’épargne des personnes physiques ou morales en vue de faciliter l’accès à la propriété immobilière, tout en accomplissant toutes les opérations financières se rattachant directement ou indirectement à la promotion de l’habitat.
LE cAS DE LA bANQUE cAmEroUNAiSE DES PmE
16ème au classement des meilleures banques prêteuses en 2023 par la Commission bancaire de l’Afrique centrale (Cobac) avec un encours de 17,2 milliards de Fcfa, la Banque camerounaise des petites et moyennes entreprise (BcPME) qui a reçu son agrément du ministère des Finances, le 16 août 2014 pour résoudre le problème de financement des petites et moyennes entreprises (PME) qui constituent plus de 90% du tissu économique national, doit être restructurée. Selon les experts financiers contactés par LFA, son rôle de prêteur direct la place en concurrence très défavorable avec les banques commerciales. Depuis son lancement par l’État en 2013, la Banque a rencontré des difficultés à la fois opérationnelles et financières. Son lancement laborieux de 2013 à 2016 lui a ôté la majorité de son capital initial. Pour constituer des ressources lui permettant de prêter aux micro, petites et moyennes entreprises (Mpme), elle est devenue collecteur de dépôts du public.
Confrontée à des taux d’exposition des prêts non performants (ENP) supérieurs à la moyenne bancaire et à des charges de structure relativement importantes par rapport à sa faible part de marché, la BCpme a accumulé les pertes et se trouve aujourd’hui dans une situation critique. Si elle devait être recapitalisée, son modèle d’affaires devrait être transformé pour se recentrer sur son objet social (le soutien aux MPME) tout en abandonnant les foyers de pertes principaux, c’est-à-dire les crédits directs aux Mpme dont le taux d’ENP sur l’ensemble des banques oscille entre 25% et 30% pour selon les données de la Banque des Etats de l’Afrique centrale (Beac), source d’aléa moral pour une banque publique, et une structure couteuse de banque généraliste.
Plusieurs experts lui ont recommandé l’audit pour en déterminer sa situation réelle. Cette situation déterminée par un certain nombre de ratios lui permettrait d’apprécier le niveau de recapitalisation et les mesures de traitement des créances compromises d’après un ex haut cadre de la Banque mondiale contacté par LFA. D’autres économistes plaident pour un changement radical de son modèle économique. Comme argument, ils pensent que le modèle d’une banque destinée uniquement aux PME n’est pas rentable. Par conséquent, il serait judicieux d’élargir le modèle de financement de la banque à toutes les entreprises en y ajoutant des guichets de financement PME, ou alors, envisager sa transformation en fonds d’investissement PME. Ce qui lui permettra d’avoir un modèle de fonctionnement agile, allégé et moins onéreux.