Pour les experts, les défauts de paiement pourraient être évités si les EMF s’assurent de l’exécution correcte des processus précédant l’octroi des prêts.
La problématique autour du recouvrement de crédit dans les institutions financières en particulier les Établissements de microfinance (EMF) demeure toujours d’actualité. Le crédit d’après les experts en finance représente 70% du chiffre d’affaires. C’est donc un élément essentiel et incontournable dans le fonctionnement d’une institution financière en particulier des EMF. «Lorsque les produits de transfert avaient encore pignon sur rue, quand ils n’étaient pas encore absorbés par les sociétés de télécommunications, on pouvait estimer le crédit à 50%. Mais actuellement, le crédit représente plus de 70% du chiffre d’affaires des EMF, ce qui en fait un sujet important dans la bonne marche d’un Etablissement de microfinance », indique Me Mbianga Boniface, avocat au barreau du Cameroun, par ailleurs expert en microfinance.
Pour cet expert très sollicité par les EMF dans le cadre des conflits avec leur client, le crédit est toujours au centre des discussions. Les raisons d’après lui sont : l’absence de professionnalisme, du contexte de crise de confiance de notre société et enfin à cause des problèmes juridiques et juridictionnelles qui se dégagent en matière de recouvrement de crédit.
En général, on croit que le défaut de paiement commence dès qu’un client manque une date de remboursement qui se traduit par un problème de recouvrement. De l’avis de certains experts, bien des défauts de paiement pourraient certes être évités si les EMF s’assurent de l’exécution correcte des processus précédant l’octroi des prêts. Dont le produit, qui selon certains acteurs financiers ne correspond pas aux véritables besoins du client. « Il n’y a pas de définition claire du client cible ».
Ils citent aussi la défaillance dans l’application de la méthodologie, à savoir : le montant des prêts excède les capacités de remboursement du client ou il est en surendettement ; le manque d’analyse objective pour déterminer les meilleures modalités de prêt telles que le montant à octroyer, les délais et le montant des versements et le choix de la date de remboursement. « Sur le plan opérationnel, il faut dire que le problème majeur des microfinances est la dégradation de la qualité du portefeuille crédit. C’est-à-dire que les gens prennent du crédit de plus en plus, détournent, en font mauvais usage ou bien se retrouvent dans des situations inconfortables quant-au remboursement. Le faux est devenu tellement fréquent dans notre environnement, or le crédit est basé sur la confiance », souligne encore Me Boniface Mbianga.
Pour renchérir ses propos, l’avocat au barreau du Cameroun poursuit : « Comment faire prospérer le crédit dans un environnement où les gens ont une propension maladive à s’adonner au faux. Dans ces conditions, le portefeuille crédit est dégradé. Mieux encore, il faut relever l’attitude néfaste de certains dirigeants, qui donne du crédit contre des rétributions passant ainsi au-delà des critères réguliers que la pratique économique et financière requiert. Dans ces conditions, un crédit donné sera nécessairement irrécouvrable. Dans ces conditions, la dégradation de la qualité du portefeuille sera claire ».
A noter que le recouvrement est un service important permettant à la fois de conserver les clients et de libérer des fonds pour le décaissement de nouveaux prêts. C’est un processus stratégique clé permettant de générer de bonnes habitudes et une culture de remboursement auprès des clients. Le recouvrement peut être considéré aussi comme une activité commerciale dont l’objectif principal est de générer des revenus pour l’institution par la conversion des pertes en revenus.
interview
Michael Ngoune, responsable des engagements et du contentieux à la Finec S.A.
« La complexité de la relation naît toujours du fait que l’une des parties ne respecte pas ses engagements»
Dans cet entretien, l’expert explique la relation complexe client-crédit et relève les causes liées au non remboursement de crédit.
Quel est le rôle d’un responsable des engagements et du contentieux dans un emF ?
Dans la fonction essentielle dans l’organigramme d’un EMF, le responsable des engagements et du contentieux a plusieurs missions parmi lesquelles la préparation des comités de crédits. Il vérifie la recevabilité des dossiers de crédit et ressort les principaux risques liés à chaque dossier, élabore les documents de prêts (Conventions et autres), assure la veille juridique nécessaire à tout document contractuel ou pas engageant la responsabilité de l’EMF, assure la liaison avec les différents notaires, avocats, huissiers et conseils, supervise et coordonne le portefeuille de clients en contentieux en respect de la politique de risque de l’institution, supervise l’activité crédit du réseau, procède à l’évaluation des actions mises en œuvre et enfin, évalue les agents de crédit en fonction de leur portefeuille à risque et coordonne le recouvrement.
Quelles sont les principales difficultés liées à ce poste ?
Comme la microfinance en générale cette fonction à plusieurs difficultés, nous pouvons entre autres énumérés : La mauvaise foi des clients et le manque de culture de remboursement ; les lenteurs administratives et judiciaires en matière de réalisation des garanties ; la corruption et le trafic d’influence dans le processus de recouvrement ; l’inapplication par les juges des dispositions de l’Ohada à l’instar du pacte commissoire en matière d’inscription hypothécaire qui est extrêmement compliqué à exécuter voire impossible.
Pourquoi la relation client-crédit et l’EMF est toujours problématique ?
En effet, le bon client est celui qui rembourse normalement son crédit et n’a aucun problème avec l’établissement de microfinance. La complexité de la relation naît toujours du fait que l’une des parties ne respecte pas ses engagements à un moment donné de la relation. En règle générale, c’est toujours le client qui faillit.
Quelles sont les causes selon vous liées au non remboursement de crédit ?
Les causes du non remboursement de crédits sont multiples. Nous avons entre autres : l’environnement économique qui est morose dans notre pays. Nous avons la cavalerie financière et le surendettement des clients. La non utilisation des différentes plateformes de centrale des risques par les opérationnels et certaines EMF. Si tous les intervenants du secteur de la microfinance déclarent normalement les incidents de paiements dans les différentes plates-formes (Anemcam, CNC, CNF et Autres) nous aurons de moins en moins de clients délinquants. A cela s’ajoute le manque de formation des agents de la microfinance.
Quelles sont les dispositions prises au niveau de votre EMF pour limiter les non remboursements de crédit ?
Chez nous à la Finec S.A, pour faire face à la problématique du non remboursement, nous avons mis un certain nombre de dispositions en place : l’édition systématique du rapport client dans les différentes centrales à risques (Obligatoire dans tous les dossiers de crédits), la déclaration systématique des incidents de paiements dans la plateforme du CNF et autres, la formation de nos collaborateurs ; la sensibilisation régulière des clients sur la nécessité du respect des échéances et les avantages d’avoir un bon historique de remboursement ; les relances et visites systématique des clients par les Agents de crédits et la Direction générale.