Un projet de loi de Finances rectificative pour légiférer sur l’ordonnance présidentielle du 20 juin portant modification du budget 2024 de l’Etat est en examen au parlement. Le montant important des nouveaux emprunts envisagés (plus de 500 milliards de Fcfa) dans la loi de finances rectificative présentée au parlement par le ministère des Finances (Minfi) insiste chaque observateur de la finance à s’interroger sur le choix et l’objectif de cette politique gouvernementale. Dans l’ensemble, les besoins de financement de l’Etat en 2024 se situent à 2 070,1 milliards de Fcfa contre 1 577,7 milliards de Fcfa dans la loi de finances initiale, soit une augmentation de 512,4 milliards de Fcfa. L’équipe de Louis Paul Motaze n’a lésiné sur aucun détail pour apporter des clarifications nécessaires sur ces nouveaux engagements qui vont se concrétiser cette année, alors que certains sont négociés depuis 2023.
En effet, le projet du budget révisé de l’Etat pour le compte de l’exercice 2024 porte la dotation globale à 7 278,1 milliards de Fcfa, dont 7 212,5 milliards pour le budget général et 65,6 milliards pour les Comptes d’affectation spéciale. Il est en augmentation de 538 milliards en valeur absolue et 8% en valeur relative par rapport à la loi de finances initiale de 2024 de 6740,1 milliards de Fcfa. Ainsi, le budget général de l’État augmente de 533 milliards de Fcfa par rapport au niveau initial de 6 679,5 milliards de Fcfa.
Les recettes internes et dons révises sont évaluées à 5 235 milliards de Fcfa contre 5190,1 milliards de Fcfa, en hausse de 45 milliards. Cette catégorie de recettes est composée des recettes pétrolières de 801,6 milliards de Fcfa contre 809,5 milliards dans le budget initial, soit une baisse de 7,9 milliards, compte tenu de la baisse de la production du pétrole et du gaz, conjuguée à celle des cours mondiaux du pétrole ; des recettes fiscales de 3 998,7 milliards de Fcfa contre 3 968,3 milliards de Fcfa dans le budget initial, soit une augmentation de 30,4 milliards liée à la prise en compte des réalisations effectives de 2023, plus importantes que les estimations faites dans la loi de finances initiale, ainsi qu’une augmentation de 0,2 point du taux de croissance nominal du PIB non pétrolier ; des recettes non fiscales de 331 milliards contre 315,5 milliards dans le budget initial, en augmentation de 15,5 milliards et des dons de 103,8 milliards contre 96,8 milliards dans le budget initial, soit une augmentation de 7 milliards de Fcfa.
chArgeS dU BUdget générAL : LeS troiS grAndeS LigneS deS chArgeS
Les dépenses courantes sont évaluées à 3 536 milliards de Fcfa contre 3 435 milliards de Fcfa dans le budget initial 2024, en augmentation de 101 milliards en valeur absolue et 2,9% en valeur relative. L’évolution à la hausse de ces dépenses, en dépit de la réduction des dé- penses des biens et services de 81,5 milliards de Fcfa, s’explique par l’augmentation des dépenses salariales de 59,5 milliards de Fcfa, le relèvement de la subvention des carburants à la pompe de 74 milliards de Fcfa et le renforcement des ressources affectées aux paiements divers à l’entreprise Enéo de 60 milliards de Fcfa. L’augmentation des dépenses salariales est justifiée par la prise en compte de la mesure de revalorisation des salaires et des allocations familiales. Celle de la subvention des carburants tient à l’adoption d’une nouvelle structure des prix ainsi qu’à la prise en compte des effets de la libéralisation des importations des hydrocarbures.
Les dépenses d’investissement s’élèvent à 1 424,1 milliards de Fcfa contre 1 472,1 milliards initialement, soit une baisse de 48 milliards en valeur absolue et 3,3% en valeur relative. Cette baisse est principalement tributaire de la diminution de 124 milliards des dépenses sur financements extérieurs en raison de la faible capacité d’absorption des projets sur ce type de financement. Les dépenses d’investissement sur ressources propres connaissent une augmentation de 76 milliards de Fcfa. Cette augmentation est affectée à la mise en œuvre des divers programmes de reformes dans le secteur de l’électricité.
Le service de la dette augmente de 480 milliards de Fcfa passant de 1 772,3 milliards de Fcfa initialement à 2 252,3 milliards de Fcfa. Cette augmentation est liée à la revalorisation de la dotation dédiée à l’apurement des arrières du Trésor à hauteur de 317 milliards de Fcfa et de la constitution d’une provision de 163 milliards destinée à la réduction de l’encours des Bons de Trésor assimilables (BTA). Le budget des comptes d’affectation spéciale (CAS) augmente de 5 milliards de Fcfa par rapport à la loi de finances initiale, ou il était de 60,6 milliards. Cette augmentation est liée à la prise en compte du financement supplémentaire de 5,7 milliards de Fcfa apporté par la Banque islamique de développement (BID) dans le cadre du Programme de reconstruction des Régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Toute chose qui porte le plafond du CAS dédié à 35 milliards de Fcfa contre 30 milliards de Fcfa initialement.
éqUiLiBre dU BUdget réviSé 2024
Les besoins de financement et de trésorerie, il ressort de la ré- vision des recettes et des dépenses de l’Etat en 2024 un déficit budgétaire qui se chiffre à 137,9 milliards de Fcfa contre 125,4 milliards dans la loi de finances initiale, soit une augmentation en valeur absolue de 12,5 milliards de Fcfa. L’Etat devra aussi faire face à l’amortissement de la dette (structurée) de 1 291,5 milliards de Fcfa contre 1 128,5 milliards initialement ; au remboursement des crédits de TVA de 84 milliards de Fcfa ; au paiement d’arriérés de 537 milliards de Fcfa contre 220 milliards de Fcfa dans la loi de finances initiale, des sorties nettes de fonds des correspondants de 19,7 milliards de Fcfa. Au total, les besoins de financement de l’Etat en 2024 se situent à 2 070,1 milliards de Fcfa contre 1 577,7 milliards dans la loi de finances initiale, soit une augmentation de 512,4 milliards de Fcfa.
Les ressources de financement et de trésorerie nécessaires pour combler ces besoins de financement de l’Etat proviendront des prêts projets de 783,2 milliards de Fcfa contre 907,2 milliards dans la loi de finances initiale ;des appuis budgétaires du PEF de 235 milliards de Fcfa contre134 milliards initialement, soit une augmentation de 101,0 milliards ; des financements exceptionnels des bailleurs de 165,6milliards contre 22,1 milliards dans la loi de finances initiale, en augmentation de 143,5 milliards de Fcfa ; des émission des titres publics de 280 milliards contre 375 milliards dans la loi de finances initiale, soit une baisse de 95 milliards ; des financement bancaire de 522,4milliards contre 55,4 milliards dans la loi de finances initiale, soit une augmentation de 467milliards de Fcfa. Ces ressources supplémentaires seront levées auprès du système bancaire extérieur pour l’apurement des restes à payer du Trésor. Comme on peut le constater, les experts du Minfi sont assez précis sur les détails des nouveaux endettements qui vont servir en grande partie, à apurer la dette intérieur pour relance les activités économiques.