Dans une interview accordée au journal « Ecomatin », Richard Evina Obam, son directeur général réaffirme la conformité du processus en cours vis-à-vis des textes législatifs et réglementaires, ainsi que des principes fondateurs de la Cemac.
L ’instruction de la Commission bancaire de l’Afrique Centrale (Cobac) aux banques et établissements de microfinance (EMF) de surseoir au processus de transfert des avoirs en déshérence au profit de la Caisse des dépôts et consignations (Cdec) du Cameroun, divise. Réagissant à cette sortie, Richard Evina Obam, le directeur général de la Cdec précise que « le processus de transfert des fonds et valeurs dévolus à la Cdec se poursuit », a-t-il indiqué au cours d’une interview exclusive accordée au journal « Ecomatin ». Sans vouloir se lancer dans la polémique et la querelle d’après cette source, il insiste sur le caractère légal des actions menées par sa structure depuis son lancement. Elles sont en cohérence avec les principes fondateurs de la Cemac. Profitant de cette opportunité, il en appelle à la citoyenneté des établissements retardataires, les invitant au passage à se plier à la loi et la réglementation en vigueur en la matière.
En effet, le Cameroun s’est doté le 14 avril 2008 d’une loi sur les dépôts et consignations, en 2011, un décret présidentiel régit les types de dépôts et consignations. Le 1er décembre 2023, un décret du Premier ministre fixe les modalités de transfert des fonds dévolus à la Cdec après l’opérationnalisation de cette structure en janvier 2023. Le Cameroun devrait-il attendre la Cobac pour la mise en œuvre des réformes de ses institutions si cette dernière n’a pas su anticiper en 16 ans ?
Des arguments qui battent en brèche ceux apportés par le régulateur du secteur bancaire sous régional. Celui-ci justifie sa sortie par le fait que « ce transfert nécessite préalablement la clarification de la nature de ces avoirs, ainsi que la définition des modalités de conservation, de gestion, voire de restitution de ces valeurs », indique-t-il. Il note par ailleurs l’absence à ce jour d’un texte communautaire en la matière. « Il n’existe pas dans la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) un cadre réglementaire régissant les points sus évoqués, hormis des règles relatives au traitement comptable de ces avoirs », renchérit-il. Pour combler ce vide juridique, Marcel Ondele déclare que son institution « a engagé des travaux visant à encadrer au plan communautaire, le traitement par les établissements de crédit, de microfinance et de paiement, des avoirs en déshérence et de leur transfert aux institutions habilitées », annonce-t-il. Selon lui, « cet encadrement permettra de préserver la stabilité financière dans la Cemac, maîtriser les risques opérationnels liés à la conservation et la gestion de ces valeurs, ainsi que des risques de contentieux entre les institutions nationales, les institutions financières et les titulaires de ces avoirs ou leurs ayants droit », explique-t-il.
uNe SoRtie JuStiFiée PouR CeRtaiNS
Pour cet expert financier ayant requis l’anonymat, « la Cobac estime qu’il est utile de réglementer et bien encadrer les avoirs détenus par les banques et les microfinances qui doivent être transférés à la Cdec afin que cette dernière ne gère pas l’argent qu’elle reçoit comme le font la plupart des entités publiques. Sur un autre plan, le fait que la Cdec reçoive trop d’argent peut aiguiser les appétits de l’Etat, l’unique actionnaire qui peut être tenté d’y aller chercher des fonds pour financer ses activités multiformes. Voilà pourquoi le régulateur insiste sur la réglementation. Encore qu’il faut remarquer que la Cdec attend plus de 1500 milliards de Fcfa, selon certaines estimations non officielles. De l’argent frais qui aiguise forcément des appétits de part et d’autre », justifie-t-il.
Une position que soutient Martin Eyebe Soppo, expert financier et directeur du cabinet Actiff Finance. Ce dernier donne raison au secrétaire général de la Cobac qui interpelle une réglementation spécifique par rapport aux avoirs dans un cadre réglementé. « La Cobac est dans son rôle qui est de veiller à ce que les établissements de crédit respectent la règlementation pour participer à la volonté de l’union monétaire. La Caisse de dépôt est une institution financière publique qui n’est pas une banque. Elle peut, peut-être, être assimilée à un Fonds commun de placement (FCP), puisqu’elle collecte et diversifie dans le placement les fonds dits oisifs afin de les sécuriser pour les fructifier. Les sommes concernées sont les consignations administratives, judiciaires et même conventionnelles. Sa réglementation se doit d’être claire », a-t-il expliqué.
deS iNComPRéheNSioNS SuR La SoRtie de La CoBaC
Un argument que rejette Georges Meka Abessolo, expert financier et directeur du cabinet LLC Mitigation. Dans un échange téléphonique avec LFA, il déclare que la Cobac a outrepassé son champ de compétence. Malgré les positions des uns et des autres sur cette sortie, il reste qu’elle suscite des incompréhensions à plusieurs égards. La première a trait au retard mis par ladite décision. En effet, la Cobac se prononce sur le sujet 16 années après l’entrée en vigueur de la loi sur les dépôts et consignations, 13 ans après le décret présidentiel de 2011 régissant les types de dépôts et consignations et 18 mois après l’opérationnalisation de la Caisse de dé- pôts et consignations (Cdec). De l’avis de certains experts, un cas similaire s’était déjà posé avec le lancement du mobile money sans que les transferts électroniques ne soient suspendus. En outre, beaucoup ne semblent pas comprendre comment la Cobac qui est une antichambre de la Beac suspende un processus auquel la banque centrale est elle-même impliquée. Pour preuve l’agence nationale de la Beac s’est engagée en mai dernier, à transférer à la Cdec les 3,9 milliards de Fcfa qu’elle détenait.
Au plan réglementaire, comment peut-on réglementer ce qui n’existe pas ? s’interroge-t-on. D’autant plus que la Cdec n’a pas le statut d’une banque et de facto, ne nécessite pas un agrément de la Cobac pour être opérationnelle, indique Georges Meka Abessolo cité plus haut. « Si la Cobac veut donc être partie prenante, il faut d’abord que les chefs d’Etat lui accordent cette prérogative et une prérogative uniquement de surveillance de la gestion des dépôts et consignations, des investissements et des réclamations par la Cdec pour rendre efficient le processus, assurer que le déblocage des cautions, consignations, avoirs inactifs ne soit pas un préjudice au client (individuel ou entreprise) à court et moyen termes », suggère-t-il.
Réaction
Martin Eyebe Soppo, expert financier
« La réglementation se doit d’être claire »
L e secrétaire général de la Cobac prône une réglementation spécifique par rapport aux avoirs dans un cadre réglementé. La Commission bancaire de l’Afrique Centrale (Cobac) est dans son rôle qui est de veiller, à travers son Secrétaire général, à ce que les établissements de crédit respectent la règlementation pour participer à la volonté de l’union monétaire. La Caisse de dépôt est une institution financière publique qui n’est pas une banque. Elle peut, peut-être, être assimilée à un Fonds commun de placement (FCP), puisqu’elle collecte et diversifie dans le placement, les fonds dits oisifs afin de les sécuriser pour les fructifier. Les sommes concernées sont les consignations administratives, judiciaires et même conventionnelles. Sa réglementation se doit d’être claire. Chaque environnement obéit à sa propre implémentation : A titre d’exemple, on parle de la Caisse de dépôts de consignations et de placement au Canada, en France c’est la Caisse de dépôts et consignations avec la latitude d’intervenir sur les Bons de Trésor, tandis qu’au Cameroun, la Cdec collecte les fonds oisifs soit des avoirs en déshérence. Voilà pourquoi le Secrétaire général de la Cobac a absolument raison.