C’est ce qui ressort d’une étude menée par un réseau d’organisations non gouvernementales (ONG), dont Tax Justice Network, Global Alliance for Tax Justice et Public Services International, avec la collaboration de la fondation allemande Friedrich Ebert-Stiftung et de l’Union européenne, publié le 20 novembre 2020.
Ce rapport de 85 pages dénommé : « Justice fiscale : état des lieux 2020 – La justice fiscale à l’ère de la Covid-19 », analyse le système fiscal de 133 pays dans le monde. Ces ONG mettent à l’index les multinationales, généralement coupables « d’abus à l’impôt sur les sociétés ». Selon les experts, cette étude chiffre pour la première fois de manière précise, et pays par pays, les pertes de recettes fiscales dues à l’optimisation fiscale des multinationales et des super-riches. L’ardoise s’élève à 427 milliards de dollars par an dans le monde. Ces nouvelles données démontrent que l’optimisation fiscale des multinationales coûte bien plus cher aux États (245 milliards de dollars de recettes fiscales perdues chaque année) que l’évasion fiscale des contribuables privés, qui est évaluée à 182 milliards de dollars par an par les auteurs de l’étude. Pour ce qui est du Cameroun, cet État perd des recettes fiscales de 114,5 millions de dollars, soit environ 63,2 milliards de Fcfa chaque année, du fait des « abus fiscaux » perpétrés par les entreprises, indique le rapport.
« L’abus à l’impôt sur les sociétés par les multinationales relève du problème mondial des flux financiers illicites et comprend l’abus fiscal criminel, l’évasion fiscale illégale et certains évitements fiscaux qui, bien que licites du point de vue technique, compte tenu des faiblesses des règles fiscales internationales, contribuent néanmoins au décalage entre le lieu de l’activité économique réelle des entreprises et celui où leurs bénéfices sont déclarés à des fins fiscales », souligne le rapport. En clair, explique le rapport, « en localisant des holdings et d’importants actifs créateurs de valeur dans les paradis fiscaux, les grandes entreprises peuvent transférer leurs bénéfices vers des juridictions où l’imposition est faible ou nulle, afin de réduire artificiellement leurs obligations fiscales par ailleurs, et de ne payer que peu ou pas d’impôts sur les bénéfices qu’elles transfèrent dans les paradis fiscaux. Fermer les yeux sur l’abus fiscal des entreprises prive les gouvernements du monde entier de fonds publics, en favorisant les multinationales, les personnes fortunées et les paradis fiscaux », indique l’étude.
En termes de volume, l’Afrique n’est pas le continent qui subit le plus les effets négatifs de l’évasion fiscale des multinationales. Mais elle est la région du monde qui en souffre le plus à cause de l’influence des multinationales sur les dirigeants politiques, la faible capacité du pays à mobiliser les ressources budgétaires, et la réglementation qui fait souvent la part belle aux entreprises étrangères. Ainsi, le Soudan ou la République centrafricaine perdent l’équivalent de plus de 25 % de leurs recettes fiscales totales chaque année à cause de l’optimisation et l’évasion fiscale, tandis que pour la France ou l’Allemagne, c’est à peine 3 %.
Les quatre pays qui facilitent le plus les abus des règles fiscales par les multinationales et les grandes fortunes sont de riches nations nichées au coeur de l’Europe : le Royaume-Uni suivi du Luxembourg, de la Suisse et des Pays-Bas. Ces pays, que les auteurs de l’étude ont surnommés « l’Axe de l’évitement fiscal », sont responsables de près de 45 % de toutes les recettes fiscales perdues par l’ensemble des pays du globe à cause de l’optimisation fiscale des multinationales.
Le rapport recommande une refonte en profondeur de la fiscalité internationale qui prendra plus en compte les intérêts des pays où se déroulent les activités des multinationales.