Au regard de son apport sur la société, les professionnels du secteur conseillent entre autres aux bailleurs de fonds, d’apporter un soutien aux institutions financières prometteuses en termes de durabilité et de croissance.
D’après l’Association nationale des établissements de microfinance du Cameroun (Anemcam), le marché de la microfinance concentre 41,1% des comptes ouverts au pays. Ces données relevées lors des neuvièmes Journées internationales de la microfinance qui se sont déroulés à Yaoundé en février 2024, fait dire à l’Anemcam que la microfinance est un moteur d’inclusion financière qui contribue au moins à 12% du financement de l’économie du Cameroun depuis 2021.
En effet, le secteur de la microfinance a connu une montée en puissance fulgurante caractérisée d’une part, par la croissance exponentielle du nombre d’institutions et de points de vente et d’autre part, par une massification de l’offre de crédit. Pendant plusieurs années, les Etablissements de microfinance (EMF) ont toujours occupé une place prépondérante au Cameroun. Malgré les restrictions et les faillites dans le milieu, leur nombre est toujours beaucoup plus important que les banques. Entre 2021 et 2022, le nombre d’EMF est passé de 415 à 402 puis à 388 en 2023. Alors qu’au 30 septembre 2023, le ministère des Finances enregistrait dans ses livres 19 banques, six établissements financiers et deux établissements de paiement.
La question de l’influence des EMF sur la croissance économique s’inscrit dans le débat général sur l’apport positif du développement financier sur la croissance réelle. D’après la Banque des Etats de l’Afrique centrale (Beac), la relation entre développement financier et développement économique transite essentiellement via le canal de l’investissement. En effet, « le développement du secteur financier, notamment les marchés de dettes à court terme et les marchés des fonds prêtables (marché financier), optimise et accroît la quantité de crédit disponible pour le secteur privé, afin de mettre en œuvre des projets d’investissement ». Ce qui toujours d’après la Banque centrale, augmente la croissance potentielle de l’économie, c’est-à-dire la croissance de long terme.
La MicroFinance coMMe inStrUMent De réDUction De La PaUvreté
Alors que son impact positif n’est plus à démontrer au niveau microéconomique, ses bienfaits sont encore à prouver au niveau macroéconomique, principalement à cause de la carence de données surtout dans les pays en développement. La microfinance est connue pour permettre aux couches les plus défavorisées de la population de disposer d’un crédit (micro-crédit), afin de mener à bien leurs activités productives ou commerciales. En ce sens elles sont susceptibles d’avoir une part active dans la réduction de la pauvreté dans les pays en développement, mais également dans le processus d’inclusion financière.
C’est au regard du rôle joué par les EMF dans la lutte contre la pauvreté qu’ils attirent l’attention des bailleurs de fonds. Selon les professionnels de la microfinance, les bailleurs de fonds veulent obtenir la certitude que leur investissement aura un rendement social. Dans le cas de la microfinance, les bailleurs de fonds doivent décider si le fait de fournir aux pauvres l’accès aux services financiers, se traduit par un rendement social suffisant par rapport aux autres initiatives de réduction de la pauvreté. Du côté positif, les évaluations d’impact ont apporté la preuve que les services financiers destinés aux pauvres améliorent les conditions d’existence de leurs bénéficiaires, en augmentant leurs revenus et en renforçant leur capacité à se procurer des services sociaux. Cependant, bien que la microfinance constitue un mécanisme important de réduction de la pauvreté, « il ne s’agit pas d’une formule magique instantanée ». Le processus de se sortir de la pauvreté tend à être lent et irrégulier. Le financement octroyé par les bailleurs de fonds à la microfinance doit compléter, et non remplacer des investissements en services fondamentaux tels que la santé, l’éducation et les infrastructures.
LeS FonDS Sont inJectéS DanS L’agricULtUre
Au Cameroun, la plupart de ces financements sont parfois orientés vers le secteur agricole. A l’exemple, Proparco, filiale de l’Agence française de développement (AFD) dédiée au secteur privé et la filiale camerounaise du groupe Advans S.A ont officialisé le 26 janvier 2024, l’ouverture d’une garantie de crédit d’1,3 milliard de Fcfa. Cette nouvelle ligne de garantie Ariz TPE, prend la forme d’une sous-participation en risque couvrant 80% d’un portefeuille de prêts total d’1,6 milliard de Fcfa (2,5 millions d’euros), à déployer sur tout le territoire camerounais. Elle vise notamment à accompagner Advans Cameroun dans le développement de son activité de crédit dans les zones rurales du pays, et tout particulièrement auprès du secteur agricole, via l’appui aux petits exploitants agricoles. En outre, dans le cadre de la mise en œuvre du Projet de développement des chaînes de valeurs agricoles, le gouvernement camerounais et la Banque africaine de développement (BAD) ont convenu de mettre en place un fonds. Il fournira des ressources longues aux établissements de microfinance au Cameroun, afin qu’eux-mêmes puissent accorder, avec une certaine flexibilité, des crédits à moyen terme (2 à 4 ans) aux acteurs des chaînes de valeur agricoles. Selon la convention qui a été conclue, la Commercial Bank of Cameroun (CBC) mettra les ressources à la disposition des établissements de microfinance, plus proches du terrain et partant, des organisations de producteurs, des petites et moyennes entreprises de jeunes engagées dans l’agriculture commerciale. Doté de 115,05 millions d’euros, le Projet est financé à hauteur de 77,6% par le Groupe de la BAD, et à 21,5% par l’État du Cameroun et 0,9% par les bénéficiaires. Il s’agit entre autres objectifs de contribuer à créer des richesses partagées, des emplois pour les jeunes, renforcer la sécurité alimentaire et nutritionnelle en consolidant la compétitivité des filières palmier à huile, banane plantain et ananas, dont le Cameroun est l’un des principaux exportateurs en Afrique centrale.
Il y a environ deux semaines, une rencontre de lancement du programme de Financement de la chaine des valeurs agricoles et élevages et de 15 milliards de Fcfa s’est tenu à Douala, dans la salle de conférence de la Mupeci. Ce programme de 15 milliards de Fcfa réunit trois entités, les EMF, la CBC Bank et la BAD.
aUgMenter L’iMPact DeS ServiceS FinancierS DeStinéS aUx PaUvreS
Aujourd’hui, la microfinance intervient dans plusieurs domaines et ne cessent d’innover. A cet effet, elle mérite selon les experts également plus d’attention. La microfinance aurait un impact plus prononcé si elle offrait une gamme élargie de services financiers correspondant mieux aux besoins variés des pauvres, y compris des services de dépôt, de micro-assurance et de transfert de fonds. A la question de savoir Comment les bailleurs de fonds peuvent ils augmenter l’impact des services financiers destinés aux pauvres? Les économistes de Cgap indiquent qu’en privilégiant l’action clientèle à grande échelle. En apportant un soutien aux institutions financières prometteuses en termes de durabilité et de croissance, en investissant auprès d’une gamme d’institutions financières prometteuses de façon à assurer que des clientèles diverses, à des niveaux de revenu divers puissent être touchés ; en élargissant la portée de la microfinance aussi bien en tant que du nombre de clients que de leur niveau de pauvreté ; en soutenant les objectifs jumeaux de la pérennité et de l’impact ; en encourageant les études de marché, afin de mieux comprendre les préférences des clients et les contraintes qui empêchent les pauvres de tirer le meilleur parti possible des services financiers. Et en aidant les institutions progressives qui mettent en place des mécanismes de prestation et des produits correspondant aux besoins des clients.