Dans un récent exposé sur la problématique, l’économiste camerounais suggère aussi les modèles alternatifs, ainsi que la régionalisation du mécanisme de bonification pour corriger les disparités régionales observées.
Dans un exposé lors de la première édition des Rencontres économiques du Cameroun (REC), l’économiste Bernard Ouandji propose quelques recommandations concrètes pour améliorer l’accès au financement des petites et moyennes entreprises (PME) et encourager le dialogue entre les acteurs du secteur financier et les PME. La première a trait à la nationalisation du système bancaire à majorité à l’instar de l’acquisition de Société Générale Cameroun en cours. A cela s’ajoute la régionalisation du mécanisme de bonification pour corriger les disparités régionales enregistrées, tout en impliquant les délégués régionaux de la Chambre de commerce de l’industrie, des mines et de l’artisanat (Ccima) et de la Chambre d’agriculture, des pêches, de l’élevage et des forêts (Capef).
D’autre part, il suggère des réformes devant booster les modes de financement alternatif. De ce fait, il propose de formaliser les instruments de dette : traites ; commercial paper ou bons de production. Il est aussi question d’animer la Bourse des valeurs mobilières de l’Afrique Centrale (Bvmac) en rehaussant la confiance dans les transactions sur les actions, tout en portant à la hausse, la liquidité des instruments de financement sur un marché secondaire libre. La Beac expérimenterait un mécanisme de « décote sur les titres d’Etat », indique-t-on. Il plaide également pour la création d’un organisme de refinancement pour irriguer les EMF, ainsi que que l’instauration des passerelles de collecte des ressources et de refinancement via un Two-tier system impliquant la banque centrale, les banques commerciales et la Bvmac, sans oublier les EMF.
Les tares du système bancaire vis-à-vis du financement des PME
Selon l’expert, « le Cameroun n’a pas la majorité dans son système bancaire ce qui accentue l’éviction des PME camerounaises, tandis que les grandes entreprises liées aux multinationales sont allègrement financées par les filiales bancaires locales », note-t-il. Ce dernier déplore aussi une faible maîtrise du système bancaire. « Autrefois on disait que les banques coloniales ne donnaient pas de crédits aux nationaux ; de nos jours les banques panafricaines ne font pas mieux », ajoute-t-il. Par conséquent, les PME éprouvent aujourd’hui des difficultés à régler leurs fournisseurs hors zone euro, quand bien même le compte est déjà débité, le transfert de devises ne part pas. Or, les banques panafricaines peuvent utiliser leur trésorerie internationale pour satisfaire leurs clients. Toute chose ayant poussé la Banque des Etats de l’Afrique Centrale (Beac) à exiger le rapatriement des devises. « Alors à quoi bon se précipiter de réclamer une monnaie souveraine si les banques ont une autre obédience ? pour couler une monnaie nationale, il suffit que les banques se concertent pour accumuler les demandes de paiements en devises. Car, pour énerver la population, il suffit de retarder la confirmation des crédits d’importation du riz », s’interroge l’expert. Selon lui, « les banques contrôlées par les étrangers freinent l’octroi des crédits, comparé aux banques détenues par les nationaux (Etat et promoteurs privés) », déclare-t-il.
Le durcissement du crédit aux PME accroît les créances en souffrance
Le durcissement des conditions d’accès au financement des PME accroît les créances en souffrance selon Bernard Ouandji. Les grandes entreprises et l’État ont emprunté à 6,5% en moyenne ; au même moment les PME ont eu à payer 12,5%. Le Taux d’intérêt réel (même corrigé de l’inflation et de la prime de risque) est très élevé comparé au coût moyen des ressources des opérations avec la clientèle qui s’établit à 1,5% environ ; autrement dit l’activité bancaire est très lucrative. Au Cameroun, c’est en permanence que l’on constate des situations où le Taux à court terme est plus élevé que le taux à long terme. Le TEG (taux effectif global) est un indicateur du poids des charges pouvant peser sur l’emprunteur par rapport à la somme effectivement reçue de la banque. Par crainte du risque, les banques jettent leur dévolu sur les bons du Trésor en guise de réemplois, les créances sur l’État (2133 milliards de Fcfa) représentent le tiers du crédit intérieur (6600 milliards de Fcfa). Les pays ayant des marchés financiers performants se retrouvent parfois dans une situation où le taux à court terme est plus élevé que le taux à long terme parce que l’inflation à court terme est très élevée mais doit chuter. Déduction : la banque est encouragée à prêter à court terme.
Les limites des mécanismes existant du financement des PME
Dans son analyse, l’économiste Bernard Ouandji déplore le fait que le résultat de la Banque camerounaise des PME (Bc-PME), organisme public dédié au financement des PME ne se soit limité qu’à l’effet d’annonce. Entretemps, le total des financements du Crédit foncier du Cameroun (CFC) ou du Crédit-bail de la Société nationale d’investissement (SNI) pèse moins de 500 milliards de Fcfa, tandis que les établissements de microfinance (EMF) sont beaucoup plus dédiés aux PME et aux ménages. Selon les chiffres de 2022, le total de leurs bilans pèse de 1040 milliards de Fcfa, soit 11% du total du bilan des banques au même moment qui pesait 9486 milliards de Fcfa. Par ailleurs, il déplore les faibles résultats du mécanisme spécial créé au ministère des finances pour le financement des chaînes de valeurs et les zones sinistrées. La loi de Finances 2024 avait annoncé jusqu’à 200 milliards de Fcfa de garanties.