Selon une récente étude menée par le Groupe d’action contre le blanchiment d’argent en Afrique Centrale (Gabac), ce marché est, depuis quelques années, à près de 63%, sous le contrôle des acteurs informels et parfois, des groupes criminels organisés à la recherche des moyens efficaces pour blanchir les produits issus de leurs activités illicites multiformes. La présente enquête vise à ausculter l’expansion du secteur de l’immobilier dans la sous-région sous le prisme du blanchiment des capitaux pour pouvoir identifier l’origine des fonds, les impétrants et les dysfonctionnements des mécanismes nationaux et régionaux qui permettent ces actions, afin d’arrimer les dispositifs aux normes de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme en la matière.
La forte démographie observée dans les six Etats de la Cemac, couplée à une urbanisation plus poussée, ont créé un besoin important en logement. Toute chose ayant favorisé le développement du marché de l’immobilier dans la sous-région. Une véritable aubaine pour des groupes criminels organisés à la recherche des moyens efficaces pour blanchir les produits issus de leurs activités illicites multiformes. Car, en effet, le marché immobilier en Afrique au sud du Sahara est, depuis quelques années, à près de 63%, sous le contrôle des acteurs informels selon des experts. Une récente étude menée par le Groupe d’action contre le blanchiment d’argent en Afrique Centrale (Gabac) démontre que « conscients des enjeux et des facilités qu’offre ce marché pour le dégrisement de l’argent sale, ces groupes criminels organisés ont définitivement investi le secteur immobilier ». Dans leurs modes opératoires, ces derniers font recours à des techniques diverses. Il s’agit notamment du recours aux techniques complexes de prêts et de financement par crédit, ainsi qu’à des professionnels non financiers et le recours abusif aux instruments monétaires. L’étude sus évoquée fait aussi cas de l’utilisation abusive des sociétés civiles immobilières (SCI) et d’entreprises relais du secteur de l’immobilier, sans oublier l’acquisition des vastes domaines agricoles. A ces mécanismes s’ajoutent la surévaluation du prix d’acquisition des biens immobiliers par une structure étatique, le recours à des fonds issus de la corruption dans l’attribution des marchés publics, le recours aux montages juridiques et fiducies, ainsi que le recours aux transactions et échanges illicites de services.
Un phénomène en plein expansion
Selon les experts, l’immobilier figure depuis longtemps parmi les choix privilégiés pour de gros placements pouvant permettre de transférer ou dissimuler, parfois en une seule transaction, des revenus d’origine illicite ou destinés à financer des activités criminelles. Les premières études mettant en relief le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme dans ce secteur remontent aux années 2000. En effet, l’immeuble se trouve au cœur du patrimoine au regard de la valeur qui lui est classiquement rattachée. « Le marché immobilier s’est fortement développé ces dernières années en Afrique Centrale et le futur se montre même sous un œil plus technologique. En effet, les statistiques montrent une forte croissance de ce secteur avec plus d’espaces de « co-working », de vente en ligne, de plateformes de transactions et de gestion des données. Cette évolution récente du marché immobilier se conjugue parfaitement avec les facteurs préexistants d’exposition de ce secteur au phénomène de la criminalité financière », explique le Gabac.
Les banques aux avant-postes
Selon les données de la plateforme Cerber de la Commission bancaire de l’Afrique centrale (Cobac), le poids de la branche d’activités « bâtiments et travaux publics » (BTP) dans le portefeuille de crédit des banques en Cemac, est en évolution sur la période 2015-2019. De 1157,8 milliards de Fcfa en 2015, il est passé à 1224,4 milliards de Fcfa fin 2018 avant de redescendre à 816,9 milliards de Fcfa au 31 décembre 2019. Des données qui démontrent clairement l’importance du secteur immobilier et son influence sur les économies des Etats de la sous-région. En effet, le besoin en infrastructures va s’accroître avec les transactions
Des opportunités d’investissement dans l’immobilier en Afrique centrale
Au Cameroun, le secteur de l’immobilier offre de multiples opportunités d’investissement, non seulement dans les grandes agglomérations urbaines de Yaoundé et Douala, mais aussi dans d’autres parties du pays où sont localisés les projets dits « structurants » et des universités d’Etat aux dizaines de milliers d’étudiants chacune, ainsi que les grands domaines agricoles, les zones pour l’élevage et bien d’autres activités. Ces diverses opportunités appellent l’érection d’ensembles immobiliers, la mise en place d’agences immobilières pour la gestion de l’investissement locatif, d’entreprises de promotion immobilières pour la construction, la vente, la gestion et la rénovation de logements, des sociétés spécialisées en aménagement intérieur, espaces loisirs et autres, et aussi la mise en place de cabinets de syndics de copropriété avec l’explosion du phénomène des appartements meublés.
Au Gabon, on a assisté, ces deux dernières décennies, à une invasion des sociétés civiles immobilières. En effet, il est devenu difficile pour les personnes physiques de posséder un espace ou une portion de terre dans le pays. En cause, la création de nombreuses sociétés civiles immobilières (SCI) dont l’identité des bénéficiaires effectifs est questionnable. En quelques années, ces sociétés sont devenues les propriétaires de la quasi-totalité des terres encore disponibles dans la capitale Libreville et ses municipalités voisines que sont Owendo et Akanda. Même dans les zones périphériques semi-rurales de Ntoum, les espaces et étendues de forêt sont occupés par des personnes physiques du type PPE ou morales en l’occurrence les SCI. Ces acteurs peuvent acquérir ou posséder jusqu’à 200 hectares et créent de facto une immense spéculation foncière qui affecte les équilibres socio-économiques dans le pays.
En Guinée Equatoriale, la physionomie du marché immobilier semble beaucoup plus reluisante. Le pays a connu une extraordinaire période d’investissement dans le secteur de l’immobilier ces dernières années, ce qui a donné lieu à la naissance de plusieurs villes nouvelles à savoir : Malabo II, Sipopo, Oyala et Bata II. Ces projets ont consisté en la mise en œuvre, sous la supervision d’instances étatiques, de vastes ensembles immobiliers divers, avec des rétrocessions aux populations encadrées via des acquisitions auprès d’organes spécialisés. La part des investissements directs du secteur privé et des acteurs individuels dans le secteur immobilier demeure marginale.