Cette agence de notation maintient la note du pays à « B » avec des perspectives négatives, et souligne la bonne tenue de la dette publique dont le taux de 44,7% du PIB en mars 2025 pourrait reculer à 40 % en 2026.
L’agence de notation Fitch Ratings a confirmé, le 9 mai 2025, la note de la dette souveraine du Cameroun à long terme en devises étrangères (IDR) à ‘B’ avec des perspectives négatives. Fitch rappelle que son modèle interne attribue au Cameroun un score ‘B-‘, ajusté à ‘B’ par le comité de notation pour tenir compte des efforts de réforme et du soutien multilatéral. Le plafond du pays reste fixé à ‘B+’, grâce aux garanties de convertibilité liées au rattachement à la zone Cemac et au soutien du Trésor français.
Cette notation comporte deux volets. Le premier est le maintien de la note ‘B’ du Cameroun qui est honorable dans un contexte international où le niveau des dettes des Etats, surtout africains, suscite des inquiétudes. Le mérite de cette note favorable revient au ministre des Finances, Louis Paul Motaze et son équipe, qui, malgré des améliorations de gestion à parfaire, ne ménagent aucun effort pour maintenir la solvabilité du pays dans un contexte de rareté de liquidité. Mais les perspectives négatives associées à cette note laissent planer des incertitudes sur l’avenir immédiat et ne peuvent rassurer les investisseurs tant nationaux qu’internationaux.
Les points positifs
Au plan financier, Fitch Ratings indique que « la dette publique devrait rester contenue. Après un pic estimé à 41,7% du PIB en 2024, elle pourrait reculer à 40% en 2026, bien en deçà de la médiane des pays notés ‘B’ (50,6%) ». Fitch souligne également la stabilité du calendrier d’échéances, avec des besoins de financement bruts ramenés à 4,7% du PIB en 2025. L’agence souligne aussi que malgré la tension sur les marchés régionaux, où plusieurs pays voisins ont dû rééchelonner leur dette, le Cameroun conserve un accès relativement favorable. Sa dette en devises régionales représentait 6,1% du PIB en 2024, avec seulement 1,6% du PIB à échéance annuelle. Cette stabilité repose toutefois sur le maintien du soutien des créanciers officiels et du programme en cours avec le FMI, qui arrive à échéance en juin 2025.
Au plan économique, Fitch reconnaît les efforts réalisés par les autorités camerounaises car « la croissance économique a atteint 3,9 % en 2024, portée par l’agriculture, les infrastructures et la production électrique. Cette dynamique devrait se poursuivre, avec une prévision de 3,9% en 2025 et 4,1% en 2026. Le déficit du compte courant, indicateur clé des équilibres extérieurs, devrait se resserrer à 3% du PIB grâce notamment aux prix favorables du cacao et à une politique industrielle visant à substituer certaines importations », lit-on dans le rapport.
Fitch projette un déficit budgétaire de 1% du PIB en 2025 et 2026, contre 1,4% en 2024. Le budget 2025, arrêté à 7 317,7 milliards de Fcfa, a consacré une part significative à l’investissement public de 1 863,1 milliards de Fcfa, en hausse de 16,1% par rapport à 2024. Cette expansion budgétaire accroît les tensions de trésorerie, comme l’indique l’encours des Restes à Payer (RAP) de 853,7 milliards de Fcfa au 31 mars 2025, soit une hausse de 37,4% par rapport à mars 2024 (621,5 milliards de Fcfa), selon la Caisse Autonome d’Amortissement.
Les points d’inquiétude
L’agence américaine de notation pointe du doigt plusieurs vulnérabilités structurelles, notamment des insuffisances dans la gestion des finances publiques, des difficultés persistantes dans le paiement des dettes extérieures et des tensions politiques grandissantes à l’approche des élections.
Fitch note des profondes faiblesses dans la gestion des finances publiques (Public Financial Management – PFM), notamment des arriérés intérieurs, bien qu’en baisse grâce à des financements extérieurs (dont un prêt d’Afreximbank), restent élevés : 342 milliards de Fcfa fin 2024, soit 1,1% du PIB. Le gouvernement avait réussi à les réduire de 2,3% du PIB un an plus tôt. Fitch avertit que sans réforme en profondeur du cadre PFM, ces arriérés risquent de repartir à la hausse. Des retards récurrents dans le service de la dette extérieure, même s’ils ont été réglés dans les délais de grâce. En mars 2024 par exemple, un paiement à un créancier commercial a ainsi été décalé, tout comme plusieurs autres dus à des bailleurs non commerciaux. Ces épisodes révèlent une trésorerie défaillante, symptôme d’une gouvernance budgétaire encore fragile.
Le point d’inquiétude majeur concerne la situation politique du pays. Le président Paul Biya, âgé de 92 ans, maintient encore le doute sur sa candidature à sa propre succession lors de la présidentielle d’octobre 2025. Or l’absence d’un plan clair pour la succession, combinée aux tensions internes au sein du parti au pouvoir, alimente les incertitudes. Pour cela, Fitch anticipe une montée des tensions sociales et politiques à l’approche du scrutin, avec un risque accru d’instabilité susceptible d’affecter la mobilisation des ressources, l’exécution budgétaire, et l’accès aux marchés financiers. Le pays reste aussi confronté à des défis sécuritaires dans certaines régions, pesant sur les dépenses publiques.