La levée des garanties, le recours à la technologie numérique pour réduire l’asymétrie d’information entre prêteur et emprunteur, sont autant de solutions proposées lors de la 2ème édition des Journées scientifiques de la pensée économique africaine tenue le 5 juin 2025 à l’Université de Yaoundé II à Soa.
Bien que constituant la forme d’activité économique la plus répandue en Afrique, le micro-entrepreneuriat appelé à tort ou à raison, secteur informel, reste fortement limité par des contraintes d’accès au crédit. C’est pour changer la donne que le Comité national économique et financier (Cnef) Cameroun a placé la problématique au cœur de ses Journées scientifiques de la pensée économique africaine (Jspea) dont la deuxième édition s’est tenue le 5 juin 2025 dans la salle des actes de l’Université de Yaoundé II à Soa. La réflexion a été axée sur le thème : « Accroître l’accès au financement des entreprises du secteur informel : Quelques suggestions innovantes ». Présidé par Pierre Emmanuel Nkoa Ayissi, Secrétaire général du Cnef du Cameroun par ailleurs directeur national de la Beac/ Cameroun, l’évènement a connu la participation d’universitaires comme le Pr Pierre Nguimkeu, directeur du Programme Afrique-Brookings Institutions et professeur titulaire à la Georgia State University aux Etats-unis, du Syndicat des industries du Cameroun (Syndustricam) représenté par Vincent Kouete, son Secrétaire général, ainsi que du ministère des PME (Minpmeesa), de la Chambre de commerce (Ccima), de la Chambre d’agriculture (Capef) et des banques et institutions financières.
Les contraintes liées au financement du secteur informel
Dans son exposé intitulé « contraintes de crédit et micro-entrepreneuriat en Afrique : contexte, conséquences et solutions potentielles », le Pr Pierre Nguimkeu a analysé les facteurs institutionnels, structurels et parfois culturels qui freinent l’inclusion financière des micro-entrepreneurs qu’il refuse d’appeler acteurs du secteur informel parce que non adapté au contexte économique réel camerounais et africain. Il cite notamment le manque de garantie qui constitue 40% des freins, l’asymétrie d’information entre prêteurs et emprunteurs (20%), le coût des transactions jugé onéreux (15%), la faiblesse des infrastructures financières, la méfiance vis-à-vis des banques, les obstacles réglementaires, le risque perçu d’informalité et l’absence des banques des zones rurales et défavorisées, etc.
Pascal Parfait Bessala, chef du département entrepreneuriat à la Chambre d’Agriculture (Capef) pointe un doigt accusateur sur les micro-entrepreneurs eux-mêmes. Il déplore l’absence d’une comptabilité formelle, la mauvaise gestion des liquidités et le caractère informel de leurs activités. Grâce à son incubateur (Epab) qui bénéficie de l’accompagnement de 4 structures de microfinance, la Capef dit avoir accompagné des centaines de micro-entrepreneurs à l’obtention des crédits.
Les conséquences sur l’économie sont notamment le retard dans le succès entrepreneurial et la création d’emplois, la limitation des revenus, la faible productivité et la vulnérabilité aux chocs, ainsi que le frein à la croissance des entreprises et à l’innovation. Selon les statistiques de 2024 données par Mamoudou Bobbo, expert du Minpmeesa, 3,7 millions d’entreprises évoluent dans l’informel contre seulement 343 000 entreprises formelles parmi lesquelles plus de 200 000 sont des PME. Raison pour laquelle Samuel Yemene, l’expert de la Chambre de Commerce, de l’industrie, des mines et de l’artisanat (Ccima) déclare que « le secteur informel est la soupape de sécurité de sécurité socio-économique ».
Les solutions envisageables
Pour améliorer le financement des micro-entrepreneurs, plusieurs pistes de solutions sont proposées. Le Pr Pierre Nguimkeu mise sur les micro-crédits, l’encadrement des garanties, ainsi que les réformes fiscales et réglementaires, sans oublier le recours aux technologies numériques. « Nous avons parlé de micro-crédits qu’il faut dynamiser, des solutions numériques qu’il faut envisager pour résoudre le problème de l’asymétrie de l’information qui existe entre l’emprunteur et le prêteur », explique-t-il. D’autres experts suggèrent outre le développement de la finance numérique, la mise en place des fonds de garantie, la promotion de la culture financière à travers l’éducation financière et surtout la formalisation des entreprises. Société Générale Cameroun pense pour sa part, qu’il faudrait changer le mindset (l’état d’esprit) des micro-entrepreneurs pour améliorer leur accès au financement.
Représentant le recteur de l’Université de Yaoundé II, le Pr Eric Mathias Owona Nguini a insisté sur le fait que les solutions envisageables devraient concourir à la formalisation des entreprises du secteur informel. Au niveau du Cnef du Cameroun, on a pris la résolution de travailler en étroite collaboration avec la Banque centrale, à l’amélioration de l’infrastructure financière en Cemac afin d’accroître l’accès du secteur informel aux financements. Par ailleurs, il est plus que jamais impératif pour ces deux structures de changer leur perception sur l’économie informelle et de l’accompagner.