Après le scrutin du 6 décembre 2020 et leur élection au sein des exécutifs régionaux une quinzaine de jours plus tard, les tout premiers présidents des Conseils régionaux de l’histoire du Cameroun ont prêté serment le 14 janvier dernier avant de prendre fonction le 22 janvier. Si on peut saluer la mise en place de ces conseils régionaux comme étant une avancée majeure dans l’évolution de la décentralisation prévue dans la Constitution révisée du 18 janvier 1996, des interrogations demeurent sur l’opérationnalisation au Cameroun, de ce système qui s’assimile à un processus d’aménagement de l’État unitaire, qui consiste à transférer des compétences administratives de l’État vers des collectivités locales distinctes de lui.
En effet, comment comprendre que ce soit le gouverneur de la région qui procède à l’installation d’un président de conseil régional qui est sensé être le patron de sa région. Dès lors que les conseils régionaux sont mis en place, le poste de gouverneur doit-il encore subsister ? Il ne serait pas excessif de répondre négativement. Certes, la mission du président du conseil régional est plus étendue, mais les deux personnalités ont un rôle pratiquement similaire au niveau de l’administration territorialement déconcentrée qui comprend entre autres la coordination et le contrôle de l’activité des services déconcentrés de l’Etat dans leur région à l’exception de ceux relevant de la justice, puis veiller à la mise en oeuvre du plan et des programmes de développement économique et social. Pour éviter toute polémique, on se serait attendu à ce que ce soit le ministre de la Décentralisation et du développement local qui installe les présidents de conseils régionaux, puisque c’est l’autorité de tutelle. La Loi n° 2004/019 du 22 juillet 2004 fixant les règles applicables aux régions stipule d’ailleurs que le conseil régional peut être suspendu par décret du Président de la République, sur proposition de ce membre du gouvernement.
Au regard de tout ceci, on peut déjà percevoir une volonté délibérée de l’Etat d’assujettir ces élus du peuple aux administrateurs nommés et donc liés, comme ce fut déjà le cas avec les délégués du gouvernement placés au-dessus des maires dans les grandes villes du pays. D’ailleurs, la chaine de dysfonctionnement continue à l’étage inférieur, avec la présence des secrétaires généraux des conseils régionaux nommés il y a quelques jours et les secrétaires généraux des services des gouverneurs des régions déjà en poste.
Malheureusement, le problème de la cohabitation entre l’administration locale et l’administration territoriale continue donc de se poser. Et si rien n’est fait, le pays fonctionnera avec deux administrations parallèles poursuivant le même objectif pour la même population. La décentralisation des services de l’État était déjà au cœur du processus de réorganisation de la fonction publique en 2007. La pratique de ces réorganisations comportait un volet très important de gestion des ressources humaines, avec notamment la révision de certains aspects traditionnels de cette gestion attachés au statut des fonctionnaires. L’objectif était orienté vers la rationalisation de l’action publique, et son redéploiement vers de nouvelles finalités.
En clair, la réussite de la décentralisation en cours nécessite la réorganisation de la fonction publique étatique qui devrait à la limite se situer au niveau régional. Plusieurs fonctionnaires et agents de l’Etat devront alors être recyclés pour les administrations locales, afin d’éviter d’avoir une pléthore de personnel payé à ne rien faire.