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Combien de Ngannou le Cameroun a perdu ?

Les Camerounais dans leur immense majorité, ont salué avec faste le week-end dernier, l’immense exploit réalisé par le boxeur Francis Ngannou. Ce digne fils du pays a en effet remporté le titre de champion du monde dans la catégorie poids lourds de l’Ultimate Fighting Championship (UFC), la plus grande organisation d’Arts martiaux mixtes (MMA) au monde. Celui que l’on surnomme « The Predator » (Le prédateur en français), a ainsi détrôné l’Américain Stipe Miocic par K.O. au deuxième round, lors d’un combat au sommet. L’enfant de Batié qui a dû quitter très tôt les bancs de l’école à cause de la précarité financière de sa famille par ailleurs désunie, est aujourd’hui magnifié dans la planète entière, grâce à ses nombreux exploits sportifs opérés dans les plus grandes arènes de combats.

Mais pour atteindre les cimes de son art, Francis Ngannou a dû cravacher dur, parfois même au péril de sa vie. Face à un environnement peu propice à l’éclosion des talents sportifs dans le pays, il n’a pas eu d’autres choix que de s’expatrier en France par la voie de l’immigration clandestine. Et on connait les énormes risques qu’encourent ces milliers d’Africains qui tentent de rejoindre chaque année l’Europe en traversant la mer, parfois uniquement à bord d’une simple barque dirigée. D’ailleurs, pour ne pas se remémorer ces moments assurément difficiles, le champion camerounais n’a jamais voulu évoquer cette étape de sa vie lorsqu’il est interrogé sur son parcours et son arrivée en France. Et dans son pays d’accueil, il a notamment vécu comme SDF (Sans domicile fixe), dormant pendant plusieurs mois dans la rue et se nourrissant uniquement avec les repas offerts par des oeuvres de charité.

En réalité, si Francis Ngannou était resté au pays pratiquer la boxe, il compterait sans doute parmi ces sportifs camerounais doué dans leur domaine, mais qui ont fini dans l’anonymat. On sait tous qu’en matière d’encadrement des sportifs, le Cameroun est très loin d’être un exemple en Afrique. Le cas de la boxe, sa discipline de prédilection, est suffisamment évocateur. On y dénombre une absence criarde d’infrastructures pour l’entrainement des sportifs, les conditions de travail exécrables et l’absence de compétitions. Le célèbre de Camp de l’unité, l’unique centre d’entrainement construit à l’époque coloniale est tombé en décrépitude pendant plusieurs années avant d’être réhabilité il y a très peu. Et Dieu seul sait combien de champions le Cameroun a perdu à cause de ce déficit infrastructurel et organisationnel.

D’ailleurs, la boxe n’est pas la seule discipline à subir les dégâts causés par le manque de sérieux dont font montre les autorités du pays en matière de sport. A côté des autres sports dits mineurs, même le football qui a contribué à rehausser l’image du Cameroun à travers les nombreuses victoires des Lions indomptables au niveau continental et mondial, n’a pas toujours bénéficié des privilèges escomptés. Le pays s’est en effet vu retirer l’organisation de la dernière Coupe d’Afrique des Nations (CAN) parce qu’il n’avait pas respecté son cahier de charge en matière de construction des stades devant abriter la compétition. Et ce n’est que grâce à la magnanimité des autorités de la Confédération africaine de football (CAF) qu’elle pourra organiser la prochaine édition. Et attendant la livraison du stade d’Olembé, on ne manquera pas ainsi de saluer au passage l’opérationnalisation de ces nouvelles infrastructures qui accueilleront cette CAN 2022, même si elles auraient dû être prêtes depuis au moins cinq ans.

Malgré le peu de soutien que lui a apporté son pays, Francis Ngannou est resté patriote. A chacune de ses victoires, le « Prédateur » n’hésite pas à brandir le drapeau national. Il ne loupe pas aussi une seule occasion de revenir au pays et d’apporter son soutien à ces jeunes qui rêvent d’une brillante carrière sportive. La fondation qui porte son nom a d’ailleurs déjà ouvert une première salle de sport entièrement équipée. Le gouvernement lui, ne peut que se bomber le torse d’avoir un fils qui porte très haut les couleurs nationales, surtout que cette victoire d’un enfant qui n’a même pas pu fréquenter dans un pays où l’on prône la gratuité de l’école primaire, peut servir
des intérêts politiques.

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