Vous êtes ici
Accueil > Développement > Alamine Ousmane Mey, ministre de l’Economie, de la planification et de l’Aménagement du territoire

Alamine Ousmane Mey, ministre de l’Economie, de la planification et de l’Aménagement du territoire

Dans cette interview accordée à notre confrère Défis Actuels dans son édition N° 567, le minepat expose la stratégie du gouvernement pour promouvoir l’import-substitution au Cameroun.

«Le gouvernement a entrepris des mesures visant l’accompagnement des produits camerounais »

Monsieur le ministre, le Chef de l’Etat a maintes fois exhorté les populations à produire et consommer camerounais. Quelles sont les politiques mises en place pour promouvoir cet élan ?

Consommer et inciter à consommer les produits locaux permet d’encourager la production locale et surtout le respect des bonnes pratiques et normes exigibles par les producteurs. Toute chose qui crée une dynamique de développement dans les branches de production. De ce fait, les revenus des producteurs augmentent, l’administration fiscale collecte davantage, le déficit commercial se réduit… A cet effet, dans le but de promouvoir le« Made in Cameroun », le gouvernement a mis en place un certain nombre d’initiatives parmi lesquelles nous pouvons citer : la politique de l’import-substitution, le renforcement de notre dispositif industriel (clusters, zone économique, etc.), la relance de certains secteurs de production (pêche, riz, élevage). De plus, le gouvernement apporte régulièrement des appuis techniques et financiers aux principaux évènements à caractère économique qui font la promotion et la valorisation des produits locaux.

Malgré l’ingéniosité et l’ardeur au travail de ses citoyens, le Cameroun importe toujours de nombreux produits alimentaires et biens d’équipements qui pourraient être produits sur place et qui le sont même déjà pour certains. Quel est votre diagnostic du problème ?

L’économie camerounaise est marquée par une faible diversification avec des importations plus importantes. Les exportations camerounaises portent, pour l’essentiel, sur des produits primaires (agricoles et miniers), à faible valeur ajoutée et tributaires de la fluctuation des cours mondiaux de matières premières. En effet, le niveau des importations des denrées alimentaires et biens d’équipements est sans cesse croissant. L’analyse de la nomenclature des productions agricoles laisse transparaître notre forte dépendance à l’égard des recettes d’exportation qui reposent sur une petite gamme de cultures de rentes (cacao, café, coton, huile de palme, banane…) et de certaines productions vivrières (tomate, banane, céréales, racines, tubercules…). Paradoxalement, nous observons une importation massive de certaines denrées alimentaires alors que la production locale gagnerait à être encouragée et valorisée compte tenu du potentiel agricole local. Cette situation laisse transparaître le Cameroun comme ce rentier qui exporte à l’état brut ses produits et importe des produits finis dont les prix dans les deux cas de figures sont fixés par l’acheteur. Cette extraversion de notre économie est due à notre faible intégration dans les chaînes de valeurs mondiales ; à l’existence des coûts de facteurs relativement élevés ; et à l’urbanisation rapide qui au- rait pour conséquence l’augmentation de la demande des denrées non disponibles en quantité suffisante.

Que fait le gouvernement pour promouvoir la diversification de son économie ?

Fort du constat posé plus haut, le Gouvernement a pris une option qui est celle d’assurer la mise en oeuvre des actions et mesures qui visent à : (i) dynamiser nos principales filières de croissance (cacao, café, coton, bois) ; (ii) élargir la gamme des produits soumis à l’échange international ; (iii) développer les chaînes de valeur dans les domaines où nous possédons un avantage comparatif révélé (secteur agricole au sens large) en rapport avec la promotion des clusters ; (iv) accélérer et renforcer la transformation locale de nos produits de base pour en améliorer la valeur ajoutée ; (v) adosser cette orientation de politique sur les entreprises, championnes nationales, accompagnées par un volontarisme d’Etat. Aussi, pour pallier l’insuffisance de l’offre de la production nationale des produits alimentaires et aider un plus grand nombre de ménages à faible pouvoir d’achat, le Gouvernement a mis en place des programmes et projets permettant d’améliorer la productivité, d’étendre les superficies cultivées, de régénérer les plantations, de relever le taux d’encadrement des producteurs et de contribuer à la maîtrise des techniques de production. L’objectif principal étant de pouvoir satisfaire, autant que possible et surtout à moindre coût, la demande nationale sans cesse croissante en raison de la croissance démographique et par con- séquent de réduire la dynamique d’évolution des importations.

La promotion de la transformation locale des produits de base est également une des préoccupations du gouvernement. Qu’est-ce qui est fait dans ce sens ?

Dans le cadre de la politique de développement du tissu productif national, le gouvernement a pris un ensemble de mesures visant à favoriser la mise à niveau des entreprises camerounaises. A cet effet, plusieurs mesures sont entre- prises par le gouvernement notamment le Minepat visant l’accompagnement, la promotion et la valorisation des produits camerounais. Pour ce qui est des actions déjà en- gagées pour promouvoir la transformation locale, nous pouvons citer entre autres : (i) la mise en place pour un mon- tant de plus 3,6 milliards de francs CFA d’un dispositif pilote d’appui à la modernisation de l’outil de production des entreprises ; (ii) l’accompagnement des entreprises à travers des appuis directs pour renforcer la transformation locale des produits de base ; (iii) le renforcement de la présence des produits locaux dans les grandes surfaces du Cameroun ; (iv) la forte implication du Minepat à certains événements à caractère économique qui font de la place à la valorisation des produits locaux ; (v) la promotion à l’utilisation des intrants agricoles locaux par les grandes industries du secteur agroalimentaire dans leur processus de production. Ces actions seront soutenues par l’institutionnalisation en cours d’une « Semaine nationale du patriotisme économique », ce qui devrait permettre de promouvoir et valoriser les produits « Made in Cameroon » tout en inculquant la culture du « consommons local » à un public plus large.

Comment rendre le « made in Cameroon » exportable ? Y a-t-il des politiques au niveau de votre département ministériel pour stimuler des produits manufacturés camerounais ?

Pour rendre le « Made in Cameroon » exportable, il faudrait spécifiquement compter sur la compétitivité qualité/prix des produits en renforçant les infrastructures et les capacités de stockage, de contrôle, de conditionnement et de normalisation. A ce titre, le gouvernement s’est doté en 2015, d’une Stratégie Nationale des Exportations. Cette stratégie actualisée en 2019 est un document cadre de promotion des exportations camerounaises. Ses annexes d’opérationnalisation sur les marchés de la Ceeac et du Nigéria d’une part et sur les marchés de l’Union Européenne d’autre part ont été élaborés. En outre, une actualisation de la stratégie nationale de la compétitivité de l’économie a permis de définir des objectifs visant à lever les obstacles qui empêchent la production et la consommation locale. Le gouvernement est à pied d’oeuvre pour la mise en oeuvre effective de ces stratégies.

Parlant du renforcement de la compétitivité des entreprises et start-up camerounaises, quel est le dispositif mis en place par le minepat?

Dans le cadre de la mise en oeuvre de la stratégie nationale de la compétitivité de l’économie camerounaise, des actions visant à soutenir la compétitivité des entreprises et start-up camerounaises ont permis entre autres : (i) d’opérationnaliser le Centre Technique de l’Agroalimentaire (CTA) qui assure une assistance au développement des filières agroalimentaires et connexes; (ii) de positionner la Bourse de Sous-Traitance et de Partenariat (BSTP) comme centre de promotion de la sous-traitance industrielle; (iii) de consolider les outils opérationnels du Bureau de Mise à Niveau des Entreprises (BMN). Par ailleurs un Dispositif d’Appui à la Compétitivité de l’Economie camerounaise est en cours de mise en oeuvre. Ce programme a pour ambition d’améliorer la compétitivité du Cameroun par le renforcement des capacités des opérateurs économiques et par la promotion d’un environnement institutionnel plus propice aux affaires. Il s’articule autour des composantes ci-après : (i) appui aux entreprises nationales ; (ii) amélioration du climat des affaires ; et (iii) normalisation et efficacité énergétique.

Qu’est-ce qui est fait pour faciliter l’accès des entreprises aux financements ?

L’accès au financement constitue le principal obstacle au développement des entreprises et un important facteur de blocage de leur croissance au Cameroun. Les entreprises camerounaises en général et les PME en particulier rencontrent de grandes difficultés pour disposer de ressources et services financiers appropriés. Malgré la surliquidité du système bancaire, les entreprises notamment les PME n’arrivent toujours pas à accéder à des financements, surtout de long terme. Afin de résorber ce problème, le Gouvernement a mis une emphase sur des axes d’intervention susceptibles de faciliter l’accès des entreprises au crédit bancaire, autrement dit, de rapprocher l’offre et la demande de financement, à travers la mise en place des outils de financement. Il s’agit notamment de la Banque camerounaise des PME, du crédit-bail et du développement des microcrédits. Aussi, nous pouvons relever l’accompagnement des entreprises dans la mobilisation des financements auprès des guichets dédiés des bailleurs de fonds, notamment : – l’International Finance Corporation (IFC) ; – la Banque Européenne d’investissement (BEI) ; – la Banque Islamique de Développement (BID) ; – PROPARCO. Ces institutions offrent des appuis financiers directs à travers des lignes de financements mobilisées auprès des établissements financiers, des appuis techniques et institutionnels au bénéfice des entreprises. Le gouvernement finance également le secteur privé à travers des appuis directs. Par ailleurs, pour satisfaire les exigences des banques en termes de garanties et améliorer l’accès des PME au crédit bancaire, le gouvernement s’emploie à développer des produits innovants de financement, à l’instar du cautionnement mutuel, du capital-risque ou de l’affacturage. D’autres sources de financement alternatif comme le capital investissement ou le financement participatif, plus connu sous le nom de crowdfunding, sont également explorées. En outre, dans le cadre de la relance du secteur productif afin de faire face à la crise socioéconomique que traverse notre pays, le Minepat compte mettre en place, à travers trois guichets (garantie de prêt, prêt direct et appuis directs), un dispositif d’appui aux financements des entreprises. La phase pilote de ce dispositif est en cours de réalisation à travers le fonds de soutien aux entreprises qui a été mis à la disposition du Minepat. Il s’agit dans le court terme de renforcer la résilience des entreprises et d’amorcer la relance de l’activité économique. Quatre axes d’interventions sont envisagés dans le cadre de la mise en oeuvre du document d’orientation et d’opérationnalisation du fonds de relance économique au profit du secteur productif. Il s’agit notamment : du fonds de garantie en faveur des Moyennes Entreprises (ME) ; du fonds de soutien aux très petites et petites entreprises (TPPE) ; et du fonds de soutien aux start-ups et entreprises innovantes ; (iv) des appuis directs aux entreprises.

Les opérateurs privés ont souvent souhaité le renforcement des dispositifs de diffusion de l’information économique (notamment des opportunités d’affaires et de financement) par le gouvernement. Qu’est ce qui est fait dans ce sens ?

Considérant le secteur privé comme le principal moteur de la croissance, le gouvernement a fait du dialogue public-privé une de ses priorités. Outre les concertations permanentes gouvernement/secteur privé dans le cadre du Cameroon Business Forum (CBF) et les participations à plusieurs évènements économiques tels que les foires et les fora ainsi que les caravanes de sensibilisation des Centres de Gestion Agréés (CGA), le Minepat organise des séries de rencontres avec le secteur privé en vue de traiter des thématiques spécifiques. Au cours de ces différentes rencontres, le gouvernement communique régulièrement sur les différentes opportunités et actions entreprises pour la promotion et le développement du secteur privé en général et des PME en particulier.

Après le DSCE, quelles sont les grandes innovations de la Stratégie nationale de Développement pour ce qui est de la production et de la transformation locale.

Pour ce qui est de la transformation locale, la Stratégie Nationale de Développement entrevoit d’une part le développement de l’agro-industrie à travers la mise en oeuvre des plans de développement des filières prioritaires telles que le coton, le cacao, le café, l’huile de palme, le sucre, le caoutchouc, le riz et la banane plantain, avec pour objectif de couvrir le marché intérieur et de promouvoir les exportations de manière plus compétitive. D’autre part, il sera également question de développer les autres industries manufacturières notamment la forêt-bois, le textile-confection-cuir, les mines-métallurgiesidérurgie, l’industrie chimique et pharmaceutique.

Laisser un commentaire

Top