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Les réserves des députés sur la SND-30

Au cours de la plénière spéciale du 12 novembre dernier, ils s’inquiètent du retard accusé au niveau de sa mise en oeuvre, l’insécurité dans certaines parties du pays, l’absence d’une véritable décentralisation et la question foncière ainsi que les financements entre autres.

37500 milliards de Fcfa. C’est le montant de l’estimation de la mise en oeuvre de la Stratégie nationale de développement (SND) 2020-2030. C’est ce qu’a indiqué Alamine Ousmane Mey, le ministre de l’Economie, de la planification et de l’aménagement du territoire (Minepat) lors de la séance plénière spéciale du 12 novembre 2021 à l’Assemblée nationale. Le choix de la thématique n’est pas anodin du fait de son arrimage au budget de l’Etat qui va être examiné et voté par les députés au cours de cette troisième session ordinaire, ouverte le 11 novembre dernier comme l’a souligné l’honorable Hilarion Etong, premier vice-président de l’auguste chambre qui présidait les travaux. Celle-ci a donné l’occasion aux élus de la Nation de poser leurs différentes préoccupations au sujet de ce document de stratégie, deuxième phase de la mise en oeuvre de la vision 2035 du président Paul Biya, afin de faire du Cameroun, un pays émergent, démocratique et uni dans sa diversité.

« Nous avons eu le privilège de partager avec les députés les quatre principaux piliers de cette stratégie autour de la transformation structurelle de l’économie, la promotion du capital humain et du bien-être, l’insertion socio-économique et de l’emploi et enfin, la gouvernance, la décentralisation sans oublier la gestion stratégique de l’Etat », a indiqué Alamine Ousmane Mey. De manière spécifique, il s’agira de ramener le taux de pauvreté de 37,5% en 2014 à moins de 25% en 2030, ainsi que le sous-emploi de 77% à moins de 50% tout en portant à la hausse l’indice du capital humain, d’après ladite stratégie.

LES RECOMMANDATIONS DES PARLEMENTAIRES

Toutefois, la représentation nationale a émis des réserves quant à la stratégie gouvernementale. Des recommandations adressées au Minepat, il ressort entre autres, la budgétisation suffisante des ressources en faveur des programmes et projets majeurs de ladite stratégie. Mais avant, il va falloir conduire dans les meilleurs délais, les études de faisabilité des plans phares de la SND-30 en vue de leur opérationnalisation. En outre, les députés ont insisté sur l’accélération du processus de décentralisation, à travers les transferts des ressources et des compétences qui en découlent. Il faudra également accompagner le processus de mise en oeuvre des plans régionaux. L’objectif étant de faire des Collectivités territoriales décentralisées (CTD), un maillon central de cette boussole économique dont s’est doté le pays. Aussi, il est plus qu’urgent selon les parlementaires, d’associer « fortement et régulièrement » le secteur privé dans la stratégie de mise en oeuvre de la SND, tout en soutenant la promotion des champions nationaux ainsi que la production et la consommation locales. D’autre part, les députés ont insisté sur la réforme foncière. « Dans la SND, il est dit que la question de la réforme foncière va connaître un aboutissement. L’objectif étant de mieux clarifier et adapter les modalités d’accès à la terre. Je suis certain que le Minepat entend lui aussi le cri strident des populations du Wouri, de l’Adamaoua, et de la Vallée du Ntem. Dans les réseaux sociaux, les gens écrivent déjà qu’il faut préparer les machettes. Je crains que ces 10 ans de stratégie soient sabordés par une déflagration sociale que va déclencher la légèreté avec laquelle le gouvernement continue d’aborder la question foncière au Cameroun », prévient l’honorable Cabral Libii, député du Parti camerounais pour la réconciliation nationale (Pcrn).

Pour ce qui est du suivi évaluation, les députés recommandent au gouvernement d’adopter un chronogramme général en ce qui concerne des projets phares. Aussi, il devra présenter tous les 3 ans au parlement, l’état d’avancement de la mise en oeuvre de la SND30. En outre, la présentation annuelle du programme économique et financier du Premier ministre devra inclure un point sur l’exécution de la SND30. Au plan législatif et réglementaire, il faudrait travailler au renforcement de l’encadrement juridique de la mise en oeuvre de la SND afin de la rendre plus contraignante. A cela s’ajoute une revue critique de toutes les lois et textes sur les incitations à l’investissement, en vue de parvenir au développement économique et social pour un succès de ladite stratégie. En ce qui concerne sa vulgarisation, il faut établir une stratégie de sensibilisation des administrations, des parlementaires et des CTD ainsi que les différents acteurs adaptés à chaque cible et mettre sur pied un mécanisme de communication en direction des partenaires au développement, des investisseurs et de la diaspora.

REACTIONS

Alamine Ousmane Mey, Minepat
« Les députés ont manifesté un intérêt énorme »

Il a été question de présenter la Stratégie nationale de développement (SND) pour la période 2020-2030. C’est la deuxième phase de la mise en oeuvre de la vision 2035 du président de la République, Paul Biya, afin de faire du Cameroun, un pays émergent, démocratique et uni dans sa diversité. Il vous souvient que lors de son discours d’investiture, il a fait de l’émergence, une cause nationale. Voilà pourquoi après l’élaboration dans une démarche participative et inclusive, nous avons engagé un processus de diffusion afin que les acteurs à différents niveaux puissent s’approprier la SND 30 et oeuvrer à ce que sa mise en application nous conduise vers la destination souhaitée en matière d’amélioration des conditions de vie des populations. Nous avons eu le privilège de partager avec les députés les quatre principaux piliers de cette stratégie autour de la transformation structurelle de l’économie, la promotion du capital humain et du bien-être, l’insertion socio-économique et de l’emploi et enfin, la gouvernance, la décentralisation sans oublier la gestion stratégique de l’Etat. Les députés ont manifesté un intérêt énorme autour des questions qu’ils ont posées. Elles nous ont permis de leur apporter des éclairages additionnels. Cela nous donne à espérer que dans la mise en oeuvre, tout le monde accompagnera. Les députés en premier, ensuite, les populations, la société civile, le secteur privé.

Le souhait des Camerounais s’est d’aller vers les conditions meilleures de vie, l’émergence en gardant à l’esprit la nécessité de rester uni dans la diversité et faire en sorte que les orientations de la SND 30 donnent à sentir au niveau des populations à la base, un changement réel de leur vie. Voilà pourquoi cet échange a été très riche. Il nous a permis de partager de manière large et ouverte avec les élus du peuple. Et nous voulons poursuivre cette dynamique de communication en faisant de chacun, un vecteur d’échange avec le reste de la population.

Joshua Osih, député sdf
« Il sera très difficile d’atteindre ces objectifs »

Je souhaite que l’on commence déjà par faire du Dsce avant d’entamer un Dsce jusqu’en 2030. Nous savons qu’au cours des 10 dix dernières années, nous n’avons pas pu atteindre les 5,5% de taux de croissance. Nous avons stagné autour de 4,5%, ce qui est même un chiffre un peu optimiste. Maintenant, avec la SND 30, le gouvernement projette de le porter à 8,1%. Je crois savoir que nous avons déjà consommé 20% de la période. Il ne nous reste que 8 années pour atteindre 2030. Cela veut dire que nous devons tabler sur un taux de croissance à partir de janvier 2022 si mes calculs sont bons, d’environ 11%. Comment le gouvernement compte-t-il y arriver ? La dernière fois que nous avons touché une croissance à 2 chiffres c’était en 1976, et les dispositions gouvernementales étaient autres que ce que nous connaissons aujourd’hui. Nous n’avons jamais atteint 8% de croissance depuis l’avènement du renouveau. Qu’est ce qui va changer aujourd’hui ? Tant que nous ne prenons pas le taureau par les cornes, tant que n’aurons pas touché à la réforme foncière, la double nationalité pour attirer les investissements de la diaspora, et sans une véritable décentralisation, et si nous n’avons pas le courage de parler de notre souveraineté monétaire et économique, il sera très difficile d’atteindre ces objectifs. Mon souhait c’est que nous les atteignons et même un taux de croissance à 2 chiffres comme en 1976. Mais, il est clair qu’avec tous les problèmes que nous avons, même si ce document est un très bon document, je doute fort de son efficacité du fait qu’il ne parle pas des contraintes que nous avons avec notamment la situation au Nord-Ouest et au Sud-Ouest, l’Extrême Nord et l’Est, ce contrat social qui est complètement absent. Je pense qu’il y a d’abord un travail à faire. Il doit être législatif qu’on ait le courage de changer nos lois pour pouvoir atteindre nos objectifs de croissance.

Cabral Libii, député pcrn
« La SND 30 est un chapelet de très bonnes intentions »

La SND 30 est à n’en point douter, un chapelet de très bonnes intentions. Personne ne peut remettre en doute le fait que l’aboutissement de ce travail ait mobilisé probablement ce que nous avons de meilleur dans notre pays. D’après Henri Bergson, une stratégie doit épouser de façon étroite la réalité. Elle va nous coûter exactement combien ? Puisque c’est ici (Assemblée Nationale, Ndlr) que va être voté le budget. Le Minepat a dit dès l’entame de son propos que le choix du gouvernement est la transformation structurelle. Ça m’a fait penser à un ouvrage qui a été publié à l’Université de Yaoundé 2-Soa, lequel préconisait ce que le Cameroun devrait faire pour avoir 2 points de croissance. Le Minepat d’alors, Louis Paul Motaze, avait assisté à la dédicace dudit ouvrage. A l’époque, on parlait déjà de transformation structurelle. Pour le peu que je sache, je ne suis pas économiste, c’est la théorie de la transformation structurelle qui s’oppose à celle de l’impulsion massive. Donc, il faut choisir des secteurs prioritaires, faire une réallocation budgétaire pour injecter dans ces secteurs afin qu’ils puissent nous apporter de la croissance. En parcourant la SND-30, le volume des actions éparses et disparates qu’il faut mener en 10 ans me dépasse. Cela me pousse à me demander si les rédacteurs eux-mêmes y croient. Eux qui parlent de la transformation structurelle. Au cas contraire, personne ne va les sanctionner pour avoir opté pour l’impulsion massive. C’est aussi un choix économique. Pourquoi dire une chose et vendre le contraire ? Dans la SND, il est dit que la question de la réforme foncière va connaître un aboutissement. L’objectif étant de mieux clarifier et adapter les modalités d’accès à la terre. Je suis certain que le Minepat entend lui aussi le cri strident des populations du Wouri, de l’Adamaoua, et de la Vallée du Ntem. Dans les réseaux sociaux, les gens écrivent déjà qu’il faut préparer les machettes. Je crains que ces 10 ans de stratégie soient sabordés par une déflagration sociale que va déclencher la légèreté avec laquelle le gouvernement continue d’aborder la question foncière au Cameroun.

Samuel Moth, député rdpc
« J’ai quelques craintes »

Parmi les 3 orientations principales de la SND-30 qui ont été retenues, il y a une qui a retenu mon attention. C’est celle relative à l’import-substitution. A ce sujet, j’ai quelques craintes. Est-on en train de faire de l’Etat, un Etat entrepreneur ? Concept qu’on a tous abandonné par la force des choses. Dans ce cas, il y a un certain nombre d’éléments bloquants qui se présentent. Il y a dans un premier temps, la liberté d’entreprendre. L’Etat peut dire à un particulier de faire nécessairement une usine au lieu d’aller acheter des produits à Dubaï par exemple. Qu’est-ce qu’on entend faire là-dessus ? également, quand vous bloquez la liberté d’entreprendre, vous faites obstacle à la notion d’opportunités. L’autre problème a trait à la cartographie du marché. Si on part acheter ailleurs, c’est peut-être parce que ça nous arrange. Peut-être parce que cela nous coûte moins cher, et le jour où on décide d’installer notre usine, quel est notre marché ?

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