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Les défis à relever par la politique monétaire de la Beac

La pro activité face aux incertitudes, la forte concentration bancaire, l’inclusion financière, la digitalisation et la coordination avec les politiques budgétaires des Etats, en sont quelques-uns listés dans la lettre de la recherche récemment publiée par l’institut sous-régional d’émission.

Passant en revue les réformes et projets d’envergure engagés par la Banque des Etats de l’Afrique centrale (Beac) au cours du cinquantenaire de son existence, Ivan Bacale Ebe Molina, le directeur général des études, finances et relations internationales au sein de cette institution, dresse le constat selon lequel ceux-ci « demeurent insuffisants pour conférer la politique monétaire une efficacité certaine et absolue ». Dans le 13ème numéro de la « Lettre de la recherche », une revue publiée par la banque centrale, il ressort quelques freins à la bonne conduite de la politique monétaire de cette dernière dans la sous-région. Ils sont perçus en termes de défis à relever, lesquels conditionnent l’efficacité de son action.

LA PRO ACTIVITE FACE AUX INCERTITUDES

Le premier défi est celui de la pro activité de la politique monétaire face aux incertitudes grandissantes. Celle-ci devrait donc être prête à réagir de manière proactive face aux futurs chocs exogènes tout en étant capable de distinguer les facteurs temporaires ne nécessitant pas une action particulière des facteurs permanents et dont la réaction doit être rapide et bien calibrée. Compte tenu de la hausse des incertitudes observées au fil du temps, le monde n’est pas à l’abri de nouvelles surprises. En effet, La crise de la Covid-19, l’instabilité des cours des matières premières et la recrudescence des tensions inflationnistes, consécutive au conflit russo-ukrainien, sont autant de facteurs incertains et exogènes qui ont affecté la conduite de la politique monétaire de la Beac au cours des récentes années. Cette dernière a, à ce titre, réagi de manière proactive et mené des actions parfois inhabituelles, lors des réunions ordinaires et extraordinaires de son Comité de politique monétaire (CPM). A titre d’illustration, on peut citer les injections massives de liquidité, le programme de rachat des titres publics pour contenir les effets de la pandémie de Covid-19 et l’ajustement des taux directeurs pour contenir les risques sur la stabilité monétaire externe et interne, etc. Ces actions ont produit des effets probants.

LA FORTE CONCENTRATION BANCAIRE

Le second a trait à la forte concentration bancaire qui, selon la Beac, limite la transmission de la politique monétaire. « Les banques de grande taille disposent en général d’une capacité plus importante de diluer les effets des décisions de politique monétaire surtout lorsqu’elles peuvent se refinancer à moindre coût sans solliciter les liquidités du marché monétaire ou de la Banque centrale », déplore le directeur des études au sein de l’institution sous-régionale. Par conséquent, le suivi de la concentration bancaire apparaît donc primordial dans la Cemac, car elle contribue à rendre inefficace la politique monétaire selon lui. En revanche, les banques de petite taille qui évoluent dans un environnement fortement concurrentiel, seront plus sensibles aux chocs de politique monétaire initiés par la Banque centrale mais sont également contraintes par les ratios prudentiels. A titre d’exemple, une dizaine de banques seulement sur les 53 en activité, détiennent un peu plus de 60% de la liquidité du système bancaire de la sous-région. Or, les banques à capitaux étrangers qui drainent l’essentiel de la liquidité oisive ont aussi la possibilité de faire recours à leur filiales et/ou maison mère pour leurs besoins de financement, elles font très peu de transactions avec les banques de groupe différents et détiennent également une grande partie des crédits octroyées à l’économie et de ce fait pourront difficilement répercuter les impulsions de politique monétaire sur l’activité selon la Beac.

L’INCLUSION FINANCIERE

L’inclusion financière face à la faiblesse du financement des économies est l’autre défi qui interpelle l’institut d’émission. La Cemac est considérée comme l’une des sous-régions les moins incluses financièrement avec un taux de bancarisation stricte faible et proche de 15%. Une situation favorable à l’accroissement du secteur informel, fragilisant ainsi la conduite de la politique monétaire en limitant dans le même temps le volume de crédit octroyé à l’économie d’après la Beac. « Il n’est pas superflu de rappeler que le ratio des crédits bancaires au secteur privé non financier sur le PIB, qui traduit la profondeur financière, est en moyenne inférieur à 20 % dans la Cemac alors qu’il dépasse 200 % en Chine », indique-t-elle. Des actions concrètes devraient donc être prises notamment celles destinées à absorber l’excédent de liquidité des établissements de crédit et fournir des centrales d’informations financières efficaces (centrale des Bilans, centrale des incidents de paiement, bureaux d’informations sur le crédit, centrale récapitulative des risques bancaires, etc.) et nécessaires pour l’amélioration de la transmission de la politique monétaire au secteur réel.

LA DIGITALISATION ET LES FINTECHS

Les banques centrales du monde entier font désormais face à de nouveaux défis liés à une très grande digitalisation de l’économie entraînant ainsi des besoins nouveaux pour les populations. Les paiements digitaux, l’usage des crypto-monnaies, l’expansion de la technologie blockchain sont globalement facilités par une disponibilité plus stable d’internet et un accroissement de l’usage des smartphones. Ce constat a amené plusieurs banques centrales à effectuer des recherches sur la mise en place de monnaies digitales de banques centrales. En juillet 2022, près de 100 monnaies digitales de banques centrales étaient soit en phase de recherche ou de développement et deux entièrement lancées à l’instar du « Sand dollar » des Bahamas, qui a fait ses débuts en octobre 2020 et le « Naira » au Nigeria, dévoilée en octobre 2021. La plupart des banques centrales explorent désormais leurs avantages potentiels, notamment la manière dont elles pourraient améliorer l’efficacité et la sécurité des systèmes de paiement tout en contribuant à une plus grande inclusion financière.

LA COORDINATION AVEC LES POLITIQUES BUDGETAIRES

D’après la Beac, les politiques budgétaires restent pro cycliques dans l’ensemble (en l’absence de constitution de l’épargne budgétaire en période d’accroissement des cours du pétrole) et de ce fait limitent l’action de la banque centrale. La crise de la Covid-19 et les effets du conflit russo-ukrainien ont permis d’observer l’accélération des besoins de financements des Etats immédiatement après le déclenchement de ces crises. Ce qui a mis au goût du jour le niveau élevé de fragilité des budgets nationaux, aboutissant à un accroissement du poids de la dette publique dans l’économie, et principalement de la dette intérieure. Cet accroissement de la dette intérieure a été favorisé par l’usage accru des émissions de titres publics qui certes est une réponse favorable aux problèmes d’endettement, mais pose également d’autres difficultés, notamment en matière de (i) viabilité de la dette publique, (ii) de stabilité financière (surexposition des banques sur le risque souverain et faible liquidité du marché des titres publics), (iii) d’éviction du secteur privé et (iv) de fragilisation de la stabilité extérieure. Les Etats devraient donc faire des efforts pour rendre leurs politiques budgétaires davantage contra cycliques, et cela passe également par une mobilisation plus importante des recettes non pétrolières. En l’absence d’une telle coordination renforcée, l’orientation de la politique monétaire pourrait être fortement influencée par des considérations d’ordre budgétaire. Pourtant, les règles de surveillance multilatérale avaient pour but, entre autres, d’améliorer la coordination entre les politiques budgétaires nationales et la politique monétaire commune.

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