Dans une enquête menée par LFA auprès de ces derniers, les conditions des microfinances sont jugées plus souples que celles des banques classiques.
Alain Nguetsop (Nom d’emprunt), dirige une activité commerciale dans la ville de Douala. Le jeune homme, la trentaine à peine entamée, a démarré son entreprise il y a deux ans. La semaine dernière, il a déposé un dossier pour une demande de crédit dans un établissement de microfinance (EMF) de la ville de Douala d’un montant de 700.000 Fcfa dans le but d’achalander son magasin. Il est sûr d’obtenir une réponse favorable au regard de ses antécédents de remboursement. L’homme qui possède également un compte dans une banque de la place, confie être plus proche des EMF. « Ils sont plus ouverts et aptes à nous écouter ! Ils sont plus proches de la population et ont des offres de crédits plus intéressantes et surtout adaptées pour les petits opérateurs comme nous », fait-il savoir.
S’il fallait choisir entre la banque et l’EMF, pour Martial Mballa, promoteur de la marque de boissons naturelles « Mba Lyon », le choix est vite fait. « Je choisirais la microfinance. D’abord à cause des conditions d’obtention de crédit qui me semblent plus flexibles. Même si tous ces établissements restent des structures financières, et qu’elles sont là pour vendre de l’argent, il est tout de même plus facile pour un jeune débutant dans le monde des affaires, de se rapprocher des établissements de microfinance qui proposent des garanties moins contraignantes», se justifie-t-il.
LA verSion DeS reSPonSAbLeS D’eMF
Directeur général de Microfinance Academy, David kengne, donne les raisons qui rendent les EMF plus favorables au financement des microprojets. Selon cet expert en microfinance, « la première raison c’est que les EMF vivent pour la plupart dans le même environnement que le micro entrepreneur. Ce faisant, ils partagent les mêmes difficultés ».
Des propos soutenus par Michael Ngoune, responsable des engagements et du contentieux à la Financière d’épargne et de Crédit (Finec). D’après ce dernier, « les employés des EMF sont des acteurs de terrain et sont au plus près des promoteurs de microprojets. Ils comprennent mieux les difficultés des promoteurs des microprojets. Les EMF ont une bonne connaissance des contraintes du secteur informel et qui est constitué en grande partie des microprojets et des activités embryonnaires. La disponibilité des acteurs du secteur d’EMF est un atout pour les micro-entrepreneurs. Ils se sentent compris et voilà les raisons pour lesquelles les EMF sont plus aptes à financer les micro-projets ».
Pour David Kengne, l’autre raison est relative aux produits financiers adaptés proposés par les EMF. « Les EMF ont des instruments financiers adaptés de mobilisation de l’épargne quel que soit le montant de ces micro-entrepreneurs. Alors que les banques commerciales sont uniquement intéressées par les dépôts et les micro-dépôts des épargnants et ceux des micro-entrepreneurs… », évoque-t-il. Et d’ajouter : « les banques commerciales classiques estiment que les microcrédits coûtent chers. Le coût des microcrédits est élevé et au final ces microcrédits ne sont pas rentables selon leur standard. Je prends un exemple, si une banque commerciale à des ressources pour 100 millions de Fcfa qu’il faut accorder à la clientèle, elle va préférer accorder ces 100 millions à cinq PME de 20 millions de Fcfa chacune et le suivi de cette somme ne prendra même pas deux heures par semaine. Alors qu’avec la microfinance, c’est au moins 1000 crédits de100.000 Fcfa ou 500 crédits de 200.000Fcfa, qui vont nécessiter une main d’œuvre d’au moins trois à quatre agents de crédits qui vont travailler au quotidien…».
INTERVIEW
Mamert Mahob, conseiller financier et investissement
« Les micro-projets ne répondent pas à la politique de financements des banques commerciales »
Dans cette entrevue, il donne les raisons de la réticence des banques vis-à-vis de certains projets à financer.
Pourquoi les EMF sont-ils d’après vous plus aptes à financer les micro-projets ?
Ils le sont pour des raisons d’inclusion financière dans la mesure où les porteurs de ces microprojets se trouvent le plus souvent dans la population non bancarisée. Et les montants sollicités ne sont pas très élevés, soit inférieurs à trois millions de Fcfa. La politique de crédit des EMF est souvent plus en phase avec la taille et les besoins de financements des porteurs des micro-projets. Il faut savoir que les microprojets ne répondent pas à la politique de financements des banques commerciales et/ou des banques de développement. Les porteurs de microprojets sont en majorité non bancarisés et parfois issus du secteur informel. Les micro-projets ne rentrent pas dans le secteur d’intervention des banques en matière de financement. Il est difficile pour les porteurs de microprojets de répondre aux exigences réglementaires, normatives et de sécurité des banques classiques. Or, il est communément admis que les EMF peuvent et savent s’adapter à ce type d’activité qu’ils sont connus pour leur flexibilité et leur rapidité en termes de décision, leur approche terrain et un certain pragmatisme de leur part constituent aussi un atout favorable pour les porteurs de micro-projets.
Les petits entrepreneurs ont-ils d’après vous plus de chance de se voir accorder du crédit dans un EMF ?
Pourquoi pas ? Tout dépendra de la faisabilité du projet, de sa rentabilité et de la moralité du porteur de projet, puis de leur activité. L’autre préoccupation est le coût du financement par rapport aux marges dégagées sur le projet. Il faut s’assurer principalement et surtout que les marges extériorisées par l’activité ou le projet couvrent les charges y compris financières.
Pour plus de précision, que gagneraient les petits entrepreneurs à aller plutôt vers les EMF?
Pour les entrepreneurs, c’est l’une des alternatives en ce qui concerne le financement de leurs activités. Ce serait difficile d’établir une hiérarchie en termes de préférence. Chaque acteur de l’écosystème financier à ses avantages et ses inconvénients ou ses limites en fonction de plusieurs critères. Le secteur d’activité ou la nature du projet, le sérieux et la rigueur du promoteur, la pertinence du projet ou la rentabilité de l’activité. L’environnement du projet ou de l’activité, les conditions tarifaires offertes ou proposées ; les garanties sollicitées etc. In fine, ce qui importe, c’est que les entrepreneurs fassent un benchmarking des offres de financement disponibles à la fois auprès des banques et des EMF et à la suite de cet exercice, choisir le partenaire financier qui pourrait les accompagner. Une chose est certaine, aucune structure ne finance une startup qui a besoin de capitaux sur le long terme.
Que dit la loi sur le statut exact de la microfinance ?
Les EMF sont classés en trois catégories : La 1ère catégorie est essentiellement voire uniquement constituée de membres qui sont tous des sociétaires et non des clients. Ici, les crédits se font entre les membres. La 2ème catégorie est constituée d’actionnaires dans le cadre d’une société anonyme avec Conseil d’administration et peut donc avoir des clients pour les ressources (collecte de l’épargne) et les emplois (activité de crédit). La 3ème catégorie est un EMF qui fonctionne uniquement sur ses fonds propres et qui n’octroie que des crédits à des clients. Pas de collecte de l’épargne auprès du public.