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Bras de fer entre producteurs de cacao et chocolatiers

Dans un communiqué rendu public le 30 novembre, le Conseil ivoirien du Café-Cacao (CCC) et le Conseil ghanéen du cacao (Cocobod) ont accusé les multinationales Hershey et Mars de refuser de payer la prime spéciale pour les planteurs négociée l’an dernier. Ils ont de ce fait suspendu les programmes de certification de Hershey. Cette mesure sonne comme une sanction contre cette entreprise qui a récemment acheté d’importantes quantités de cacao (30 000 T) sur le marché à terme de New York, en lieu et place d’un d’approvisionnement direct auprès des deux principaux fournisseurs africains. Alors que ces compagnies s’étaient engagées à payer le Différentiel de revenu décent (DRD) négocié en 2019 entre les pays producteurs et les multinationales du cacao et du chocolat, le CCC et le Cocobod dénoncent « une rupture de confiance » et même « un complot » contre ce système mis en place pour mieux rémunérer « trois millions de planteurs ouest-africains ». Le DRD est une prime de 400 dollars par tonne de cacao, en sus du prix du marché, destinée à mieux rémunérer les planteurs de cacao, qui vivent pour beaucoup dans la misère. Cette prime est appliquée depuis le 1er octobre 2020, date du début de la campagne 2020-2021.

Le marché mondial du cacao et du chocolat est verrouillé par les grands industriels et les pays tropicaux ne perçoivent que 6 % des 100 milliards de dollars par an qu’il représente. Les prix restent bloqués sous les 3 000 dollars la tonne depuis plus de quatre ans sur les deux grands marchés de négoce du cacao de Londres et New York, lesquels sont aussi plombés par une offre excédentaire quasi structurelle. « Les décisions de la Côte d’Ivoire et du Ghana comptent, mais il y a une légère surproduction de cacao, et la crise du coronavirus ralentit la demande », analyse Jonathan Parkman, du courtier Marex Spectron, pour qui il n’est pas certain que le DRD perdure au-delà de cette saison. De plus, souligne l’expert, le cacao est, comme d’autres produits agricoles, un produit spéculatif, dont les cours sont donc en partie déconnectés de l’économie réelle. Sur les Bourses de Londres et New York, s’échange ainsi chaque année l’équivalent de 30 fois la production mondiale. Selon la Banque mondiale, le prix réel du cacao reste deux fois inférieur à celui des années 1960, et même près de quatre fois inférieur au pic atteint dans le milieu des années 1970 (l’apogée du « miracle » économique ivoirien).

Le Ghana et la Côte d’Ivoire pèsent deux tiers du cacao mondial, mais contrairement aux pays producteurs de pétrole, ils ne parviennent pas à influencer les prix de « l’or brun », historiquement bas et insuffisants pour faire vivre les petits planteurs africains. Pour mettre en place une Opep du cacao, « il faudrait que tous les pays producteurs puissent y participer », note Philippe Fontayne, ancien président du Conseil international du cacao. « Or je suis sceptique sur leur capacité à se mettre d’accord sur des règles du jeu », ajoute ce spécialiste. Un autre expert estime sous anonymat que la Côte d’Ivoire et le Ghana « pourraient faire les prix du marché, surtout s’ils s’alliaient avec les autres producteurs importants, comme l’Equateur, le Cameroun et le Nigeria, mais il y a un manque de volonté politique réelle ».

Pourtant, l’Alliance des pays producteurs de cacao (Copal) a été créée en 1962, mais n’a jamais réussi à s’imposer sur le marché mondial, alors que l’Organisation des pays producteurs de pétrole (Opep) créée en 1973 continu d’affirmer son dictat sur le marché du pétrole.

Comme on le constate, quatre des cinq principaux producteurs de cacao dans le monde sont africains avec près de 75 % de la production mondiale. Mais ils ne peuvent pas s’entendre pour peser sur le marché et se contentent de 6% des 100 milliards de dollars que génère le cacao. Peut-on se développer avec des miettes ? Pauvre Afrique.

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