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L’Afrique perd plus de 48988 milliards de Fcfa chaque année

Le Rapport 2020 sur le développement économique en Afrique montre les dégâts causés par ce fléau sur le continent à travers l’évasion fiscale, la corruption, le commerce international et l’industrie extractive.

En Afrique, les flux financiers illicites (FFI) sont engendrés par la falsification des prix de transfert, des prix commerciaux, des factures correspondant à des services et des biens immatériels et la passation de contrats léonins. Tout cela, apprend-on, à des fins de fraude fiscale, d’évasion fiscale agressive et d’exportation illégale de devises. Le rapport 2020 sur le développement économique en Afrique, produit par les experts de la conférence des Nations unies pour le commerce et le développement (Cnuced), indique par ailleurs que sur le continent africain, la fausse facturation dans le commerce international atteint 30 à 52 milliards de dollars, et contribue aux 88,6 milliards de fuite de capitaux, soit plus de 48988 milliards de Fcfa.

Ce montant est supérieur à l’Aide publique au développement (APD) qui s’élève à 48 milliards de dollars et aux 54 milliards de l’Investissement direct étranger (IDE) dont elle (l’Afrique) bénéficie. En Afrique, un sixième des recettes publiques provient de l’impôt sur les sociétés et, selon la plupart des estimations relevées dans le rapport d’analyse des FFI et le développement durable en Afrique, le coût de l’évasion fiscale représente environ le dixième de ce total. « La part de l’impôt sur les sociétés dans les recettes publiques totales est plus élevée dans les pays africains que dans les pays de l’Ocde, du fait surtout que les pays africains ne sont pas à même de tirer autant de recettes des prélèvements salariaux », nous fait-on savoir.

En ce qui concerne précisément la fausse facturation, jusqu’à 50 % des flux illicites en provenance d’Afrique ont pour source la fausse facturation dans le commerce international. Selon les estimations figurant dans une étude de 2017 de la Commission économique des Nations unis pour l’Afrique (CEA) et du Centre africain de développement minier, plus de la moitié des FFI qui y sont liés ont pour source le secteur extractif. Cette étude et d’autres ont mis en évidence que le secteur extractif est une source de FFI et que la communauté internationale peut concourir à les combattre.

Dans son rapport de 2019, Global financial integrity (GFI) constate que l’Afrique subsaharienne est la région du monde où la propension à la fausse facturation dans le commerce international est la plus forte, et est la seule où les sorties illicites sont supérieures aux entrées illicites. Selon des estimations établies à l’aide de chiffres extraits de la base de données Comtrade des Nations Unies, les FFI sont montés en 2015 à 45 milliards de dollars (24881 milliards de Fcfa) et les sorties illicites à 23 milliards de dollars (12717 milliards de Fcfa). Le montant estimatif de 40 milliards de dollars de sous-facturation des exportations retenues dans le présent rapport, calculé à partir de l’écart net à l’exportation, est la somme de tous les écarts estimatifs positifs en 2015 constatés dans les 21 pays africains couverts pour les huit groupes de produits de l’échantillon.

Cas du Cameroun

Pour ce qui est du Cameroun, le pays enregistre en écart de valeur de 1294,2 millions de dollars (environ 716 milliards de Fcfa), soit 21,98% à cause de la fausse facturation commerciale. « Ce montant représente la moyenne des écarts de valeur identifiés dans les échanges commerciaux entre le Cameroun et tous ses pays partenaires commerciaux entre 2008-2017. Cela signifie un écart de valeur de 1294,2 millions de dollars par an durant cette période de 10 ans. Ceci représente 21,98% du commerce total du Cameroun chaque année », explique Lionel Bassega, de GFI. selon lui, les échanges commerciaux entre le Cameroun et les pays développés, de 2008 et 2017, représentaient en moyenne un écart de valeur de 762 millions de dollars par an. Ce qui représente 24,24% du commerce total du Cameroun chaque année.

« En plus de refléter les flux financiers illicites probables, les écarts de valeur identifiés représentent également les montants totaux des flux commerciaux bilatéraux qui n’étaient pas correctement taxés, reflétant ainsi une perte de revenus significative subie chaque année par les deux pays dans les relations commerciales bilatérales. GFI estime qu’environ 18% des écarts de valeur identifiés reflètent des taxes liées au commerce (droits de douane, taxes sur les sociétés et autres taxes liées au commerce) qui n’ont pas été payées aux deux gouvernements dans les relations commerciales bilatérales examinées. Cela dit, pour connaitre l’impact sur le trésor camerounais, il suffit de faire 18% de 1294,2 millions. Ceci donne environ 232 millions de dollars par an en revenu perdu à cause de la fausse facturation commerciale durant cette période », éclaire, Lionel Bassega.

Les études consacrées aux FFI liés au commerce ont évolué, passant de simples estimations de l’ampleur de ces flux à l’aide des chiffres des exportations et des importations à des analyses relatives à des pays et à des produits particuliers. Le rapport estime qu’en Afrique, le montant des FFI liés à l’exportation de ressources extractives primaires s’est élevé à 40 milliards de dollars (22116 milliards de Fcfa) en 2015 et à 278 milliards de dollars (153711 milliards de Fcfa) pour l’ensemble de la dernière décennie. D’une façon générale, les différents produits de base présentent une tendance similaire d’un pays à l’autre : l’or est à l’origine de 77 % de la sous-facturation à l’exportation dans le secteur extractif, et d’autres métaux précieux tels que le platine (6 %) et les diamants (12 %) font également l’objet de façon récurrente de cette pratique.

Recommandations

Pour lutter contre les FFF en Afrique, le programme de développement durable à l’horizon 2030 s’appuie sur le renforcement des cadres réglementaires nationaux, l’investissement dans les infrastructures de données et de la transparence, l’investissement dans la recherche sur les FFI et les changements climatiques, l’association des entreprises multinationales à la fiscalité et au développement durable, etc. Pour ce qui est de la fausse facturation dans les pays africains, les experts du Cnuced conseillent aux Etats africains de disposer de données de qualité, ventilées par sexe au besoin, afin d’analyser l’exposition au risque et de resserrer la coopération régionale sur les normes communes de déclaration des informations fiscales et commerciales des entreprises.

Et le rapport d’indiquer à cet effet que « la lutte contre les f lux financiers illicites est une question d’éthique. Ces préoccupations éthiques sont prises en compte par tous les acteurs participant à la lutte contre les FFI, y compris les entreprises multinationales. En Afrique, l’importance de l’éthique transparaît dans le mécanisme africain d’examen par les pairs. La méthode élaborée pour le mécanisme comprend comme domaine thématique la gouvernance des entreprises et l’objectif de veiller à ce que les pratiques internes des organisations respectent l’éthique, qui vise à s’attaquer à la corruption et aux flux illicites de fonds ». La réduction des FFI pourrait contribuer à améliorer les perspectives de développement environnemental, social et économique en Afrique.

« Les flux financiers illicites privent le trésor public des ressources nécessaires au financement des dépenses de développement. Les conclusions du rapport confirment que ces f lux financiers sont considérables en Afrique et ne cessent de croître avec le temps. Réduire les f lux financiers illicites est donc un moyen de doter les pays africains de fonds supplémentaires pour exécuter l’Agenda 2063 et atteindre les objectifs de développement durable », note Mukhisa Kituyi, le Secrétaire général de la Cnuced.

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