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Le péché capital de la Douane

En transformation le crédit de communication en moyen de paiement sans l’aval de l’autorité monétaire de la Cemac qui est la Beac, cette administration a elle-même hypothèque l’implémentation de cette réforme.

Censée entrer en application le 15 octobre 2020, la collecte numérique des droits de douane et taxes sur les téléphones et terminaux importés conformément à une décision conjointe du ministère des Finances via la Direction générale des douanes (DGD) et de celui des Postes et télécommunications (Minpostel) de septembre 2020, a finalement avorté. Pire, le chef de l’Etat par l’entremise du ministre d’Etat, Secrétaire général de la Présidence de la République (Sgpr), Ferdinand Ngoh Ngoh, demande de surseoir à la mise en oeuvre de ladite collecte. « En exécution des très hautes instructions du président de la République, j’ai l’honneur de vous faire connaître qu’il demande au Premier ministre, chef du gouvernement de surseoir à la mise en oeuvre de la collecte par voie numérique des droits de douane et taxes sur les téléphones et terminaux importés », écrit-il dans une correspondance du lundi 19 octobre 2020 adressée au secrétaire des Services du Premier ministre, Pr Séraphin Magloire Fouda. A la place, le chef de l’Etat, selon le ministre d’Etat, Ferdinand Ngoh Ngoh, demande aux administrations impliquées dans ce dossier, notamment le ministère des Finances (Minfi) et celui des Postes et télécommunications (Minpostel) de « soumettre à sa haute sanction, un mécanisme plus approprié de recouvrement desdits droits et autres taxes », fait-il savoir dans la correspondance suscitée. Si on était dans le cadre parlementaire, on dirait tout simplement que le président de la République vient ainsi de demander aux administrations concernées et principalement à la douane, de revoir sa copie. En effet, certains griefs ont été relevés dans l’application de cette mesure.

Le crédit de communication n’est pas un moyen de paiement

La loi du 11 décembre 2018 portant loi de Finances de la République du Cameroun pour l’exercice 2019, stipule en son article 7 que « les téléphones portables ainsi que les tablettes électroniques ou numériques peuvent être importés en suspension des droits et taxes de douane, à charge pour les acquéreurs de procéder au paiement desdits droits via un prélèvement effectué notamment lors des émissions téléphoniques. Ces droits et taxes sont prélevés et reversés au plus tard le 15 de chaque mois au service des douanes compétent par toutes les sociétés de téléphonie. Ces sociétés sont tenues, en collaboration avec les services de l’Etat compétents ou leurs mandataires, de configurer leurs systèmes de manière à éviter toute connexion à leurs réseaux respectifs par les téléphones et tablettes non dédouanés ». En français facile, en émettant un appel, l’usager détenteur d’un téléphone portable non dédouané court le risque de voir son crédit de communication prélevé. Ce qui veut dire en clair que le crédit de communication devient de facto, un moyen de paiement.

Or, nulle part, la Banque des Etats d’Afrique centrale (Beac), autorité monétaire dans la sous-région Cemac n’a indiqué cela. Pire, elle n’a même pas été consultée avant la prise d’une décision aussi importante. Ce qui pousse les opérateurs à être réticents. « Nous allons appliquer la mesure une fois que la Beac aura confirmé la légalité de l’utilisation du crédit de communication comme moyen de paiement », a indiqué Frédéric Debord, directeur général de l’opérateur de télécommunications Orange Cameroun et président de l’Association des opérateurs concessionnaires de téléphonie mobile au Cameroun. Par conséquent, aucun des opérateurs existants n’a activé l’interconnexion entre leur réseau et la plateforme censée être développée par la société Arintech, mandataire désigné par l’Etat camerounais à cet effet. On se souvient que les opérateurs de téléphonie mobile au Cameroun ont été butés au refus catégorique de la banque centrale lorsqu’ils ont voulu de façon délibérée lancer les opérations de « mobile money ». Ils ont dû se soumettre aux exigences de la Beac notamment en s’associant à une banque classique pour atteindre leur objectif. Comment l’Etat camerounais a-t-il pu oublier cela ?

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