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S.O.S. risque de famine au Cameroun et en afrique

GUERRE RUSSIE-UKRAINE
Je propose ici une réflexion sur les conséquences possibles de la guerre en cours entre la Russie et l’Ukraine sur l’Afrique, si elle devait se prolonger.

La nouvelle est désormais connue de tous que la Russie a lancé le 24 février 2022, une conquête militaire sur son voisin immédiat l’Ukraine. Les objectifs réels restent inconnus à ce jour. Cependant depuis longtemps, les autorités russes accusent l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) de vouloir l’encercler en intégrant régulièrement et systématiquement les anciens pays du Pacte de Varsovie, en contradiction avec les accords dits de Minks. La Russie avait en effet exigé et obtenu l’engagement ferme de ne pas étendre l’OTAN avant de donner son accord pour la réunification des deux Allemagnes.

Mon objectif ici est d’analyser l’impact de cette guerre sur le Cameroun et l’Afrique et de proposer des pistes d’actions. J’estime que la situation est porteuse de lourdes menaces susceptibles de perturber gravement la paix sociale dans nos pays. Il y a un risque réel d’une grosse flambée des prix des céréales et même de famine dans les pays africains au cours des prochains mois. Les deux pays en guerre assurent le tiers de la production mondiale de blé et 65% des livraisons vers l’Afrique ; ce qui est énorme. Or, nos économies sont très exposées du fait que l’essentiel des consommations sont importées. Le Cameroun en particulier importe en grande quantités le riz, le blé, le poisson, le maïs, etc ; avec une balance commerciale en déficit de plus de 1.000 milliards de Fcfa. De plus et selon de nombreux experts, le risque de dérapage de cette guerre vers la 3ème guerre mondiale reste possible. Je pense que ce n’est pas encore le cas, mais le fait est que le processus vient de s’enclencher et, j’en suis convaincu, le pire est à venir. Nous ferons bien de nous y préparer.

A mon avis, les premières mesures portent sur deux horizons, court terme et long terme. D’abord, à court terme, je le redis, le risque est réel, important et les délais sont très courts, 6 à 12 mois. En cas de survenance, il sera tard pour réagir. Les évènements de février 2008 sont encore présents dans nos mémoires et devraient nous faire réfléchir, dans un environnement fragilisé par de nombreuses crises. Il convient donc dès à présent que les Gouvernements prennent des mesures d’urgence pour constituer d’importantes réserves, en particulier riz, blé, manioc, maïs, viande, poisson, etc. L’Algérie et la Tunisie par exemple ont déjà pris la décision de constituer d’importantes réserves. Je pense d’ailleurs que chacun d’entre nous devrait s’y mettre. Ensuite, pour le long terme, il est indispensable de lancer dans l’urgence des programmes pour produire sur le Continent, l’essentiel de nos consommations, sur des délais très courts et en collaboration avec d’autres pays ; l’occasion de mettre en exergue la légendaire solidarité africaine, et pourquoi pas, l’acte fondateur des Etats-Unis d’Afrique.

Il est évident que ces programmes devront être gérés avec efficacité et efficience au contraire des récents évènements qui ont révélé des tares importantes dans nos organisations. En définitive, j’estime très probable la survenance prochaine d’une crise majeure qui rendra très difficile la circulation des marchandises. Les camerounais et les africains risquent de mourir plus de faim que de balles si ces problèmes ne sont pas réglés.

PETIT RAPPEL HISTORIQUE

Il faut dire que l’OTAN n’a pas cessé de s’élargir. Or, cet élargissement rapproche son puissant système militaire des frontières Russe. L’entrée prévue de l’Ukraine dans l’OTAN aurait placé plusieurs villes principales de la Russie à moins de 10 minutes des missiles américains ; d’où un temps de réaction très court, en cas d’attaque surprise. La Russie s’estimait ainsi encerclée par les bases militaires terrestres de l’Otan, en plus de l’encerclement maritime par les porte-avions américains. Les Etats-Unis disposent en effet de 13 porte-avions sur la vingtaine en service dans le monde entier. Avec seulement 6 porte-avions autour de la Russie, ce sont environ 50.000 soldats américains qui sont postés dans la mer en plus de ceux situés sur les bases terrestres ; une situation que la Russie a jugé inacceptable, comme les Etats-Unis hier.

En avril 1961, le Président américain John Fitzgerald Kennedy donne son feu vert pour le débarquement de la baie des cochons, destinée à renverser le nouveau pouvoir en place à Cuba, mais elle échoue. Face à cette situation, Fidel Castro décide de se tourner vers l’Union des Républiques socialistes soviétiques (Urss). Or, à la fin de l’année 1961, les Etats-Unis ont profité de leurs bases en Turquie et en Italie pour installer des rampes de missiles menaçant directement l’Urss. Nikita Khrouchtchev décide en 1962 d’installer à Cuba des rampes de missiles à tête nucléaire susceptibles d’atteindre directement le territoire des Etats-Unis et notamment la Floride.

Les rampes sont repérées par l’aviation américaine le 14 octobre 1962. La tension monte ensuite très rapidement jusqu’au 24 octobre, jour où Kennedy informe le peuple américain de la situation et du blocus maritime qu’il a mis en place. Pendant plusieurs jours, le monde va vivre avec le spectre d’une guerre nucléaire, Khrouchtchev refusant de faire marche arrière. Finalement, après une confrontation des marines russes et américaines au large de Cuba, l’Urss décide de reculer. Elle accepte de démanteler les rampes de lancement cubaines le 28 octobre 1962 contre le démantèlement des rampes américaines en Turquie. Dès la mi-novembre, la promesse russe est exécutée, la crise est terminée. Le fameux téléphone rouge, ligne directe entre la Maison blanche et le Kremlin, est installé juste après.

Cependant, la Russie a toujours constaté le rapprochement constant des forces de l’OTAN de ses frontières. Il est d’ailleurs difficile de comprendre que les Occidentaux se plaignent que la Russie n’accepte pas aujourd’hui ce qu’ils ont refusé hier, pour les mêmes raisons.

Sur le plan militaire, la guerre se déroule comme on pouvait l’entrevoir, en faveur des forces Russes malgré la « forte » résistance des ukrainiens. L’analyse des opérations semble indiquer une stratégie Russe d’encerclement et d’étouffement des forces ukrainiennes afin de les amener à s’effondrer avec le moins de pertes ; d’où la prise de contrôle des centrales nucléaires, des centres de communication et d’autres centres économiques importants. On est en droit d’attendre un effondrement de l’armée Ukrainienne dans les prochains jours ou du moins la rupture de communication entre le commandement central et les soldats sur le front. Cependant, si les stratèges militaires Ukrainiens ont bien fait leur travail, ils ont dû prévoir une stratégie de guerre asymétrique contre la Russie ; c’est la meilleure option quand on est en face d’une armée plus puissante. Une stratégie qui pourrait prolonger la guerre sur plusieurs mois voire plusieurs années.
*Célestin Tchacounte Lengue est Expert en Finance et stratégie

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