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Un secteur à risque élevé genérant des flux financiers illicites

Il représente environ 8,5% du PIB de l’Afrique et génère quelque 15,6 milliards de dollars, soit plus de 8668 milliards
de Fcfa de recettes fiscales.

D’après les experts de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced), les secteurs les plus exposés aux Flux financiers illicites (FFI) et aux différends fiscaux sont notamment, le secteur extractif, les services financiers et les télécommunications. Le dernier rapport sur les flux financiers illicites et le développement durable en Afrique rendu public par le Cnuced, relève que les télécommunications et les fonds de capital-investissement sont deux secteurs problématiques en matière d’évasion fiscale.

Leur grande exposition au monde a d’après le Cnuced, suscité beaucoup d’attention. De plus, l’Afrique subsaharienne est le marché des télécommunications mobiles à la croissance la plus rapide au monde. D’après la GSM Association (Gsma), autrefois dénommé eGroupe spécial mobile, une association internationale représentant les intérêts de plus de 750 opérateurs et constructeurs de téléphonie mobile de 220 pays du monde, le total des abonnés des Africains devrait passer de 456 millions en 2018 à plus de 600 millions, soit la moitié de la population du continent d’ici à 2025. Un marché énorme pour les fraudeurs.

Le rapport produit par le Cnuced, constate par ailleurs que la fraude à la boîte à outils SIM (module d’identification de l’abonné) est une technique courante de fraude fiscale consistant, par exemple, pour les opérateurs à faire de fausses déclarations des minutes d’appels internationaux entrants pour réduire la taxe à payer à l’État.

Le secteur des télécommunications est un marché en voie de concentration que domine un petit nombre d’entreprises multinationales. Il représente environ 8,5% du PIB de l’Afrique et génère quelque 15,6 milliards de dollars (plus de 8668 milliards de Fcfa) de recettes fiscales. « Cette concurrence assez restreinte a permis aux entreprises de dégager des rentes considérables. Le secteur des télécommunications a donné lieu à plusieurs différends fiscaux qui ont mis au jour les interactions complexes entre statut d’établissement des filiales, chalandage fiscal et incidences de l’application du code fiscal local », nous apprend le rapport sur les FFI et le développement durable en Afrique. Toujours d’après ce document, l’essor des nouveaux modèles d’affaires issus de l’économie numérique a soulevé une série de défis en lien avec les FFI, dans les pays développés comme dans les pays en développement. Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (Ocde), il est souligné que les entreprises numériques sont plus difficiles à imposer en vertu des règles existantes pour trois raisons : leur aptitude à créer de la valeur dans un pays sans présence physique ; l’importance des données type de produit nouveau et différent ; le rôle essentiel des actifs incorporels. « Les modèles d’affaires des entreprises numériques leur permettent donc d’éviter de payer les impôts que les États entendent leur réclamer. Par exemple, les actifs incorporels sont difficiles à évaluer mais faciles à déplacer, ce qui en fait un outil privilégié dans les stratégies de transfert de bénéfices ; les modèles d’affaires des entreprises numériques ne requièrent qu’une présence physique minimale, ce qui leur permet de concevoir des structures commerciales qui contournent les règles en matière d’établissement stable », indique l’organisation.

La cybercriminalité favorisée par les technologies numériques

Pour les experts du Cnuced, les technologies numériques ont par ailleurs élargi les possibilités de cybercriminalité et rendu possible, la création de plateformes de commerce de biens et services illégaux, car nombre de leurs caractéristiques favorisent leur usage aux fins du transfert et de l’emploi illégaux d’argent, en particulier : l’automatisation, la rapidité et la dimension transfrontière, qui permettent le transfert immédiat d’argent entre différentes juridictions ; l’anonymat, qui réduit la possibilité d’identifier les clients à des fins de vérification ; la complexité des transactions en ligne, qui se prête à de multiples activités ; la réglementation insuffisante ou inexistante de la plupart des intermédiaires opérant en ligne, qui les met en position de faire des transactions en échappant aux dispositifs anti-blanchiment d’argent.

« Les technologies numériques mettent à disposition plusieurs outils pouvant servir à blanchir de l’argent, tels que les services bancaires mobiles ou les services non bancaires de paiement en ligne. Ces derniers sont particulièrement propices aux FFI, car ils sont très peu réglementés et offrent un moyen rapide, bon marché et anonyme d’effectuer des paiements et des transferts internationaux, dont certains illicites », relève ledit rapport.

Moyens de lutte

Pour combattre la fraude et l’évasion fiscale, la transparence et la coopération entre les administrations fiscales du monde sont essentielles. Certains pays africains ont déjà marqué le pas. La Convention multilatérale concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale est, depuis 2008, ouverte à tous les pays intéressés. En y adhérant, l’on apprend qu’un État acquiert le droit de demander des renseignements sur les affaires de ses contribuables à tous les autres États signataires. La convention introduit un cadre juridique rendant possible de coopérer pour enquêter sur des contribuables multinationaux sans avoir à négocier des dizaines d’accords bilatéraux. Dix pays africains ont adhéré à la convention à ce jour.

La plupart des pays d’Afrique subsaharienne ne se sont dotés d’un régime national des prix de transfert qu’au cours de la dernière décennie, mais quelques-uns l’ont fait plus tôt, dont l’Afrique du Sud, dès 1995, et le Kenya, en 2006. En mars 2019, la moitié « environ » des pays d’Afrique subsaharienne ne disposaient pas encore de règles nationales relatives aux prix de transfert et ne pouvaient donc pas saisir la justice locale de leurs griefs contre des entreprises multinationales. Les règles nationales relatives aux prix de transfert sont la source juridique principale, là où elles existent, tandis que les instruments internationaux, comme les principes de l’Ocde applicables en matière de prix de transfert à l’intention des entreprises multinationales et des administrations fiscales, ne sont qu’une source subsidiaire. Et, en l’absence de cadre national régissant les prix de transfert et d’orientations émanant des autorités, l’administration fiscale ne peut pas choisir des règles ex post aux dépens des contribuables, indique le rapport.

Toutefois, les entreprises multinationales qui opèrent en Afrique restent aussi soumises à la législation de leur État d’origine. Les réglementations d’États tiers peuvent jouer un rôle crucial dans les projets d’investissement direct étranger (IDE), même sans présence physique d’un investisseur dans le pays d’accueil. En outre, peu d’études systématiques ont été consacrées aux investissements réalisés par le canal de « juridictions opaques », alors qu’une part substantielle des IDE mondiaux transite par des sociétés-écrans offshore, déplore la Cnucced. A l’en croire, les investissements réalisés par l’intermédiaire d’un centre financier offshore doivent respecter la réglementation en matière de financement, de fiscalité, de lutte contre le blanchiment d’argent et autres de la juridiction correspondante.

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