La décision a été prise au terme de sa session extraordinaire du 24 juillet dernier tenue au palais de l’Unité.
réuni le 24 juillet 2024 en session extraordinaire au palais de l’Unité, le Conseil d’administration de la Société nationale des hydrocarbures (SNH) a rejeté les comptes financiers de cette entreprise publique spécialisée dans la production pétrolière pour l’exercice 2023. D’après le communiqué final sanctionnant les travaux présidés par Ferdinand Ngoh Ngoh, ministre d’Etat, secrétaire général de la Présidence de la République (Sgpr), « il ressort du rapport présenté par le commissaire aux comptes que l’exécution du budget SNH-fonctionnement et les comptes de l’exercice clos au 31 décembre 2023, intègrent l’opération de rachat, par la SNH, de 10% des actions jadis détenues par la société Savannah Energy dans le capital de la société Cotco S. A, conclu le 19 avril 2023 pour un montant de 26,8 milliards de Fcfa », peut-on lire. Le problème, c’est que « cette transaction n’a été ni approuvée par le chef de l’Etat, ni par le Conseil d’administration », précise le communiqué susmentionné. Par conséquent, « le Conseil a décidé de surseoir à l’adoption du rapport d’exécution du budget, ainsi que les comptes de la SNH de l’exercice clos au 31 décembre 2023». Par ailleurs, il a été demandé à la direction générale de cette entreprise « de procéder sous le contrôle du commissaire aux comptes, à la révision desdits comptes dans le sens d’en expurger toute référence à la transaction susmentionnée ».
uNE TrANSACTIoN dE 26,8 mILLIArdS dE FCFA réCuSéE
Un fait plutôt inédit quand on sait qu’outre la présentation du rapport d’activités du 1er janvier au 30 avril 2024, l’examen des états financiers de la SNH au titre de l’exercice écoulé, était au menu de cette session extraordinaire initialement annoncée le 17 juillet dernier. Certaines indiscrétions évoquaient le limogeage de l’actuel Administrateur directeur général (ADG), Adolphe Moudiki, aux commandes de cette entreprise depuis 1993. Loin de se lancer dans cette polémique abondamment relayée par les médias et réseaux sociaux, certains experts financiers contactés, s’inquiètent des griefs reprochés par le Conseil d’administration à la direction générale.
Sous le couvert de l’anonymat, ils commencent par indiquer « qu’il peut avoir rejeté des comptes financiers d’une entreprise, lorsque le rapport présenté par la direction générale est en contradiction avec celui des commissaires aux comptes ». Or, dans le cas d’espèce, il est évident d’après le communiqué final dudit Conseil, que l’ADG de la SNH a de manière unilatérale, engagée l’entreprise publique dans un contrat sans l’aval de son Conseil d’administration, encore moins celui du chef de l’Etat. Ce qui apparaît selon eux, comme une faute de gestion, voire même un détournement de deniers publics. Pourtant, le 13 juin 2023, le même Conseil d’administration avait décidé du gel de l’opération sus évoquée. Celle-ci avait par ailleurs, créé une tension diplomatique entre le Cameroun et le Tchad. N’Djaména avait décidé le 20 juin 2023, du rappel de Moussa Djidda Outman, son ambassadeur en poste à Yaoundé.
LES orIgINES du ProBLèmE
Les visées de la transaction querellée étaient d’accroître les parts de la SNH dans le capital de la Cameroon oil transportation company (Cotco) chargée de la gestion du pipeline Tchad-Cameroun dont 90% transite par le territoire camerounais. « La SNH, dans la perspective d’augmenter significativement sa participation dans Cotco, a conclu un partenariat stratégique avec Savannah Energy, qui prévoit un soutien mutuel dans la gestion de la société », écrit son ADG dans une correspondance du 30 mai 2023 adressée au ministre des Finances. Selon lui, « cette orientation préserve les intérêts du Cameroun dans Cotco », poursuit-il. Seulement, l’Etat tchadien avait déjà décidé de nationaliser les parts détenues par l’entreprise britannique Savannah Energy. En effet, face à la pression tchadienne, le Cameroun a levé son véto contre l’acquisition par la Société des hydrocarbures du Tchad (SHT) des actifs de Petronas Carigali Chad Exploration & Production inc., filiale de l’entreprise malaisienne Petronas.
Devenu actionnaire majoritaire avec 53,77% des parts, le Tchad a décidé de la révocation de tous les administrateurs de Savannah dans Cotco lors d’une assemblée générale houleuse tenue le 24 mai 2023 à Paris. Une décision contestée par la SNH qui aurait saisi le ministre tchadien des hydrocarbures via une correspondance secrète du 2 juin de la même année selon des sources bien introduites. Entretemps, le Cameroun a choisi de préserver sa relation bilatérale avec son voisin. Cela s’est traduit par la divergence de points de vue entre le représentant du ministère des Finances (Minfi) et celui de la SNH lors de l’AG évoquée supra. Courroucé, l’ADG de la SNH a demandé le limogeage de la représentante du Minfi au conseil d’administration de Cotco. Une requête ayant enregistré une fin de non-recevoir d’Etoudi qui via une note du SGPR du 8 juin 2023, a instruit son maintien. Entretemps, une question reste en suspens : Qu’advient-il des 26,8 milliards de Fcfa dépensés pour l’acquisition des 10% des parts de Savannah Energy querellés ?