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L’opinion publique divisée

Certains soutiennent la mesure de l’administration douanière tandis que d’autres pointent du doigt ses défaillances.

L’administration douanière est à féliciter pour avoir pensé à ce mécanisme selon le Pr Pierre Alaka Alaka, fiscaliste intervenant sur la problématique au cours d’un débat dominical sur une chaîne télé de la place. « Je crois plutôt qu’il faut féliciter la direction générale des douanes qui s’est rendue compte que les gens ont trouvé le moyen de ne pas payer les droits de douane sur le téléphone portable parce qu’il est facilement portable », indique-t-il. Car, « il peut entrer dans le territoire camerounais par tous moyens y compris par les poches d’une veste ou de tout autre vêtement. Et les recettes ont dû baisser de ce fait (contrebande). Les opérateurs mobiles eux-mêmes sont entrés dans la vente du téléphone en promotion sans avoir eu à payer au préalable les droits de douane. De ce point de vue, l’administration douanière depuis 2019, a pris une disposition qui allait amener tout le monde à payer les droits de douane. Et, comme en matière douanière, on fonctionne un peu comme en matière de droit d’enregistrement, il y a solidarité de paiement. Ça veut dire par exemple que si vous roulez dans une voiture entrée en contrebande, le jour où la gendarmerie met la main sur vous, et que vous n’avez pas de carte grise, c’est vous qui payez les droits de douane et non celui qui l’a importé. Donc, c’est le même phénomène. Et, ce n’est pas nouveau. C’est dans la législation camerounaise », explique-t-il.

Le problème est que le consommateur n’est pas censé payer les droits de douane. Cette obligation revient à l’importateur, tente d’expliquer le Dr Jean Marie Biada, économiste. « Selon l’histoire de la pensée économique, les droits de douane sont payés directement par l’importateur. Dans la pratique, ils doivent être inscrits au registre des importateurs et exportateurs qui sont tenu par le ministère du Commerce. Ce n’est pas au consommateur final de payer les droits de douane. Je le fais, Mais, c’est l’importateur qui le fait de manière directe », souligne-t-il sur un plateau télé au cours d’un débat sur la question. En obligeant le consommateur à payer les droits de douane sur les téléphones importés, l’Etat ne fait que corriger les « défaillances » de l’administration douanière selon lui. « Pendant les 15 premières années, on s’est rendu compte que les recettes sur les droits de douane des téléphones qui franchissent le cordon douanier camerounais étaient de l’ordre de 2 milliards de Fcfa par mois. Ça veut dire qu’en fin d’année, on était à 10, 12 voire 14 milliards de Fcfa. A partir de la deuxième moitié, notamment 2014, 2015, on s’est rendu compte que ces recettes-là ont subi un cheminement régressif. Au lieu qu’on se retrouve à 2,5, 2,6 milliards de Fcfa de droits de douane des téléphones qui franchissent le cordon douanier, on s’est plutôt retrouvé avec des recettes qui tutoient parfois 500 millions de Fcfa, voire même 300 millions de Fcfa alors que dans le même temps, entre 2002 et 2010, on était autour de 1,2 et 2 millions de téléphones entrés au Cameroun. Ce nombre a été multiplié par quatre entre 2010 et 2020. Il tourne de 3, voire même 4,2 millions de nouveaux téléphones qui entrent dans l’espace. Donc, par voie de contournement, on se serait attendu à une augmentation progressive des droits de douane prélevés sur ces terminaux téléphoniques qui entrent dans l’espace camerounais. L’Etat a donc tenté de corriger une insuffisance qui a été observée au niveau de la douane », explique-t-il. Réagissant sur son compte twitter, Minette Libom li Likeng, la ministre des Postes et télécommunications (Minpostel) précédemment Directrice générale des douanes, approuve la collecte numérique de la taxe douanière sur les téléphones portables. « Ce qui a changé sur la collecte de la taxe sur le téléphone, c’est le déplacement de la frontière physique à la frontière numérique pour en finir avec la fraude », indique-t-elle. Si Serge Espoir Matomba, premier secrétaire du Parti uni pour la rénovation sociale (Purs) ne trouve pas la mesure mauvaise en soi, il remet plutôt en question la manière avec laquelle elle veut être implémentée. Selon lui, « l’État doit être Capable de diversifier les ressources pour que le citoyen ne ressente pas sur lui le poids et la charge des impôts. Puisque c’est de cela qu’il s’agit. Les pays comme le nôtre qui jouissent encore d’une certaine virginité économique ne peuvent pas adosser l’économie à la taxation. Quand on veut prélever, il doit se faire une entente entre les opérateurs du secteur et le gouvernement. Pour que cela soit compensable dans l’air qui est vendu aux citoyens. L’Etat récupère de l’argent à travers ce mécanisme. Il est donc un tout petit peu absurde d’entendre dire que pour un téléphone acheté, l’État prélève directement 33% de taxes. Dans cette mesure, nous critiquons surtout la substitution du trésor public à un privé », fustige-t-il. Afin que cela soit clair, le fiscaliste Pierre Alaka Alaka soutient « qu’il n’y a pas de glissement de paiement entre le redevable légal et le redevable réel ». Alors qu’une concertation est en cours au ministère des Postes et télécommunications (Minpostel) au moment où nous allons sous presse, il est à espérer qu’une nouvelle stratégie va être soumise à l’attention du chef de l’Etat pour validation avant l’ouverture prochaine, de la session budgétaire au Parlement.

REACTIONS

Dr Jean Marie Biada, économiste
« L’administration douanière a été défaillante »

Pendant les 15 premières années, on s’est rendu compte que les recettes sur les droits de douane des téléphones qui franchissent le cordon douanier camerounais étaient de l’ordre de 2 milliards de Fcfa par mois. Ça veut dire qu’en fin d’année, on était à 10, 12 voire 14 milliards de Fcfa. A partir de la deuxième moitié, notamment 2014, 2015, on s’est rendu compte que ces recettes-là ont subi un cheminement régressif. Au lieu qu’on se retrouve à 2,5, 2,6 milliards de Fcfa de droits de douane des téléphones qui franchissent le cordon douanier, on s’est plutôt retrouvé avec des recettes qui tutoient parfois 500 millions de Fcfa, voire même 300 millions de Fcfa alors que dans le même temps, entre 2002 et 2010, on était autour de 1,2 et 2 millions de téléphones entrés au Cameroun. Ce nombre a été multiplié par quatre entre 2010 et 2020. Il tourne de 3, voire même 4,2 millions de nouveaux téléphones qui entrent dans l’espace. Donc, par voie de contournement, on se serait attendu à une augmentation progressive des droits de douane prélevés sur ces terminaux téléphoniques qui entrent dans l’espace camerounais. L’Etat a donc tenté de corriger une insuffisance qui a été observée au niveau de la douane. Parce que selon l’histoire de la pensée économique, les droits de douane sont payés directement par l’importateur. Dans la pratique, ils doivent être inscrits au registre des importateurs et exportateurs qui sont tenu par le ministère du Commerce. Ce n’est pas au consommateur final de payer les droits de douane. Je le fais, Mais, c’est l’importateur qui le fait de manière directe. L’Etat à travers cette mesure, vient suppléer une défaillance de ceux censés appliquer cette mesure. Ces droits de douane, on continue de les percevoir sur d’autres produits qui entrent sur notre territoire. L’administration douanière a été défaillante.

Serge Espoir Matomba, homme politique
« C’est la manière qui pose problème »

Entre 2001 et 2005 les recettes douanières sur les importations des téléphones portables étaient de 24 milliards l’année. En 2017 ce montant est passé à 500 millions par an. La mesure de taxation douanière sur la téléphonie mobile n’est pas mauvaise en elle-même. C’est la manière qui pose problème. Car, l’État doit être Capable de diversifier les ressources pour que le citoyen ne ressente pas sur lui le poids et la charge des impôts. Puisque c’est de cela qu’il s’agit. Les pays comme le nôtre qui jouissent encore d’une certaine virginité économique ne peuvent pas adosser l’économie à la taxation. Quand on veut prélever, il doit se faire une entente entre les opérateurs du secteur et le gouvernement. Pour que cela soit compensable dans l’air qui est vendu aux citoyens. L’Etat récupère de l’argent à travers ce mécanisme. Il est donc un tout petit peu absurde d’entendre dire que pour un téléphone acheté, l’État prélève directement 33% de taxes. Dans cette mesure, nous critiquons surtout la substitution du trésor public à un privé. Le gouvernement l’a fait dans le cadre des assurances autos et à ce jour aucun bilan n’est disponible. La mesure présente une kyrielle de limites, notamment en matière de garantie chez un fournisseur. Par exemple, vous commencez à payer les droits de Douane, 4 mois plus tard le téléphone présente une anomalie et le fournisseur change le téléphone. Devriez-vous payer de nouveaux droits de Douane sur ce téléphone ? A ce niveau, des réponses claires doivent être apportées. Il faut également évoquer le fait qu’au Cameroun, l’État pense n’avoir que des droits et non des obligations. Pour preuve, pour sécuriser les recettes fiscales, il trouve des moyens. Nous dénonçons le fonctionnement des services des douanes et demandons la réforme de l’administration douanière.

Godfroy Ondoua Ella, ingénieur des télécommunications
« Le prélèvement par le crédit de communication est une incongruité »

L’idée de gestion de la problématique des droits de Douanes non recouvrés sur les téléphones et équipements à SIM est sûrement partie de bonnes intentions de la ministre des Postes et Télécommunications qui est une experte en Douane. Mais au finish, elle ne fera qu’enrichir des intermédiaires qui sont tombés sur un bon filon et ont proposé une solution qui leur permettent de se sucrer sans résoudre les problématiques posées, tout en frustrant les pauvres usagers ! Ce système de résolution d’une fraude douanière par prélèvement direct sur le client final est en fait, un transfert d’incompétence assumé par notre administration douanière qui avoue ainsi être dépassée par la contrebande. Ceci avec la complicité de l’administration en charge des TIC. Cette fameuse taxe se fait par prélèvement sur la marchandise achetée par les utilisateurs, le crédit de communication. Une grosse incongruité qui en plus, n’est pas encadrée. Le système mis en place est d’autant plus inique qu’il n’attaque pas les sources de perte de ressources douanières. Elles sont laissées intactes. Mais, elle pénalise le consommateur qui n’a pas les moyens de vérifier que sa marchandise est frauduleuse ou pas. Ce n’est pas son rôle en plus.

INTERVIEW

Pr Pierre Alaka Alaka, fiscaliste

« Il faut féliciter la direction générale des douanes »
Dans cet extrait, il soutient la mesure prise par cette administration et explique son bienfondé.

Obliger les consommateurs à payer les droits de douane sur les téléphones portables n’est-il pas un aveu d’échec de l’administration douanière ?

Je ne pense pas qu’il y a eu un aveu d’échec de l’administration douanière. Dans tous les pays du monde, personne ne paie les impôts comme il se doit. Le contribuable est toujours en train de fuir le paiement des impôts. Il développe des stratagèmes et des stratégies pour échapper au paiement des impôts. Et c’est toujours une course dans tous les pays du monde. On parle de contrebande par ci, de contrebande par là. De la fraude fiscale par ci, les gens vont en prison. Pour dire que ce n’est pas un problème de système administratif. Pas du tout. Je crois plutôt qu’il faut féliciter la direction générale des douanes qui s’est rendue compte que les gens ont trouvé le moyen de ne pas payer les droits de douane sur le téléphone portable parce qu’il est facilement portable. Il peut entrer dans le territoire camerounais par tous moyens y compris par les poches d’une veste ou de tout autre vêtement. Et les recettes ont dû baisser de ce fait (contrebande). Les opérateurs mobiles eux-mêmes sont entrés dans la vente du téléphone en promotion sans avoir payer au préalable les droits de douane. De ce point de vue, l’administration douanière depuis 2019 a pris une disposition qui allait amener tout le monde à payer les droits de douane.

Sur quelle base s’appuie cette mesure ?

En matière douanière, on fonctionne comme en matière de droit d’enregistrement. Il y a solidarité de paiement. Ça veut dire par exemple que si vous roulez dans une voiture entrée en contrebande, le jour où la gendarmerie met la main sur vous et que vous n’avez pas de carte grise, c’est vous qui payez les droits de douane et non celui qui l’a importé. Donc, c’est le même phénomène. Et, ce n’est pas nouveau. C’est dans la législation camerounaise. Cette levée de bouclier est due à l’absence de communication gouvernementale. Il ne communique pas seulement sur les phénomènes politiques, mais il doit également le faire pour ce qui est des phénomènes économiques et financiers. Et, si on avait pris le taureau par les cornes depuis 2019, car cette réforme existe depuis cette année là, j’avais prédit une levée de bouclier parce que je savais que désormais, c’est le consommateur qui va supporter les droits de douane au nom du principe de solidarité de paiement. On en est là aujourd’hui. L’Etat a le droit de vivre. On ne peut se trouver dans une situation où il y en a qui payent les droits de douane et d’autres qui ne le font pas et s’enrichissent ainsi. L’Etat nous appartient à tous.

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