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MARCHÉ FINANCIER : Les clés du succès de l’emprunt international 2024 du Cameroun

L e ministre des Finances, Louis Paul Motaze a publié un communiqué du 31 juillet faisant état du succès à des conditions favorables de l’Eurobond 2024 à hauteur de 550 millions de dollars, soit 335 milliards de Fcfa. Selon lui, « les ressources mobilisées permettront de poursuivre de manière significative l’apurement de la dette intérieure afin de stimuler les activités des PME ». Pour parvenir à cet heureux dénouement, le pays a eu recours à plusieurs astuces comme le placement privé plutôt qu’un eurobond public. Ce qui lui a permis de lever des fonds conséquents pour l’apurement des restes à payer avant la fermeture estivale traditionnelle des marchés de capitaux au mois d’août et de minimiser l’exposition du Cameroun à la volatilité actuelle des marchés financiers. Moh Sylvester Tangongho, directeur général du Trésor, de la coopération financière et monétaire au ministère des Finances (Minfi) faisait partie de la dé- légation camerounaise à ces négociations. Ce patron des techniciens des arrangements de l’intervention de l’Etat sur les marchés financiers nous donne d’amples éclairages sur cette opération dans l’interview ci-dessous.

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Moh Sylvester Tangongho, directeur général du Trésor, de la coopération financière et monétaire au ministère des Finances
« La transaction a été réalisée auprès de 7 investisseurs internationaux »

Dans cet échange, il précise les contours de cette opération.

Pouvez-vous nous situer sur le contexte et les conditions de ce nouvel emprunt ?

Le contexte dans lequel l’Etat du Cameroun a émis des obligations sur le marché financier international peut être analysé sur un double plan. D’abord sur le plan interne, l’Etat a accumulé les arriérés de paiement (plus de 90 jours après ordonnancement) avec pour conséquences les longs délais de paiement de la dépense publique, l’éviction des dépenses des exercices antérieurs par les dépenses de l’exercice courant, la pondération des titres publics par la Commission Bancaire de l’Afrique Centrale (COBAC). A cela il convient d’ajouter la saturation du marché domestique des titres publics avec un stock des titres publics des Etats de la CEMAC de plus FCFA 6 500 milliards détenus par les banques et autres investisseurs internes avec une large part constituée des titres de courte maturité (moins de 2 ans), exposant les émetteurs à un risque de refinancement très élevé. Il était donc urgent de trouver les ressources pour apurer cette dette dont les bénéficiaires sont les nationaux.

Au regard des contraintes du Programme Economique et Financier conclu avec le Fonds Monétaire International, le Ministre des Finances a sollicité et obtenu de cette institution sa non objection pour relever l’enveloppe des ressources à mobiliser sur les marchés internationaux.

Pour ce faire nous avons examiné plusieurs options de financement disponibles. Cette revue exhaustive a aussi concerné une potentielle émission publique d’Eurobonds type 2021 et 2015. Les discussions avec toutes les banques pertinentes sur le marché obligataire ainsi que l’expérience passée du Cameroun (en 2015 et en 2021) ont démontré que ce type de transaction requerrait un délai de préparation d’au moins 4 mois, étant donné la nécessité de rédaction d’un prospectus détaillé par les conseils juridiques (plusieurs centaines de pages couvrant tous les secteurs), ainsi que des procédures de documentation et d’exécution plus longues (délai requis entre annonce de la transaction et fixation des termes, roadshow investisseur et engagement avec des dizaines d’investisseurs, etc.).

Compte tenu des échanges requis en amont avec le FMI et du calendrier parlementaire (notamment la ratification de l’Ordonnance concernant la mise en place de la Loi des Finances Rectificative pour l’exercice 2024 effectuée le 10 Juillet 2024), travailler sur une émission publique d’Eurobonds à ce moment-là aurait mené à une finalisation de la transaction en fin-Octobre 2024 dans le meilleur des cas.

Le choix qui a été fait de procéder à un placement privé et sans prospectus répond donc spécifiquement aux objectifs de la République du Cameroun :

1. Réaliser une opération permettant de lever des fonds conséquents pour l’apurement des restes à payer avant la fermeture estivale traditionnelle des marchés de capitaux au mois d’Août. L’objectif de mobiliser le financement dans nos délais spécifiques a été atteint.

2. Minimiser l’exposition du Cameroun à la volatilité actuelle des marchés financiers. En effet, l’on a assisté à une fermeture totale du marché obligataire des Eurobonds pour tous les émetteurs des pays émergents à plusieurs reprises et durant plusieurs mois au cours des dernières années. Le cas échéant, le Cameroun n’aurait plus accès ni à une émission publique ni à un placement privé d’Eurobonds. L’objectif de minimiser tout risque de marché pouvant empêcher le Cameroun d’avoir accès à ce financement a donc aussi été atteint.

L’opération s’est déroulée dans un contexte marqué par la volatilité des taux d’intérêt mais un peu plus favorable que les années 2022 et 2023. Vous savez depuis le début de la crise russo-ukrenienne l’accès aux marchés financiers internationaux était devenu extrêmement difficile voire impossible aux pays de l’Afrique Subsaharienne.

Profitant d’une détente des taux et d’un regain d’appétit pour les émetteurs subsahariens certains pays de l’Afrique de l’ouest ont profité pour lever des fonds sur les marchés internationaux au premier trimestre 2024. Mais malheureusement à cette période là le budget initial de l’Etat du Cameroun n’avait pas prévu de financement sur les marchés extérieurs.

Cette transaction de l’Etat du Cameroun a été réalisée par le biais d’un placement privé auprès de 7 grands investisseurs internationaux, pour un montant de 550 millions de dollars USD. Les obligations sont assorties d’un coupon de 9,50% ; elles seront amorties annuellement à partir de juillet 2027, avec une maturité de 07 ans.Citigroup Global Markets et Gygnum Capital sont les co-arrangeurs de l’opération, Citigroup Global Markets étant par ailleurs l’unique agent de placement.

Peut-on avoir en termes de chiffres, la répartition de cette somme sur les différentes rubriques ayant fait son objet?

S’agissant de l’allocation des ressources, il s’agira prioritairement des dépenses engagées au cours des exercices antérieurs mais non payées à cause des questions de trésorerie.
Cette opération permettra par ailleurs de réduire les délais de paiement…

La totalité du montant levé sera consacrée à l’apurement de la dette intérieure. L’objectif étant de sortir du cercle vicieux de l’accumulation des arriérés de plus de 90 jours.

Quel sera l’impact de cette opération sur le climat des affaires et la commande publique ?Les ressources mobilisées permettront de poursuivre de manière significative l’apurement de la dette intérieure afin de stimuler les activités des PME, consolider la croissance de l’économie, renforcer la confiance des prestataires de la commande publique vis à vis de l’Etat et améliorer le climat des affaires et pourront dans certaines mesures baisser le cout de la commande publique. L’apurement des restes à payer internes permettra in fine de :

  • stimuler les activités des PME à travers le renflouement de leur trésorerie,
  • sauvegarder et créer des emplois,
  • plus généralement, respecter le critère de non accumulation des arriérés et conséquemment de restaurer la confiance dans le climat des affaires et raffermir la croissance économique.

L’apurement des restes à payer envisagé va-t-il améliorer l’intervention du Trésor public sur le marché des titres de la Beac ?

De façon directe, aucun lien pour les titres à émettre en 2024, mais en apurant la totalité des arriérés de dépenses publiques, l’Etat respectera le critère de non accumulation des arriérés, critère qui autorise la pondération des titres publics de 65%.

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