Le président Emmanuel Macron et le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, ont été saisi le 4 novembre dernier par correspondance, afin d’être informés de cette situation urgente qui affecte notamment l’éducation des jeunes Africains sur le sol français.
Dans une correspondance adressée le 4 novembre 2024 au président français Emmanuel Macron, avec ampliation au ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, des membres de la diaspora camerounaise avec à leur tête le jeune ingénieur financier Cedric Yamdjeu, par ailleurs entrepreneur et acteur de la société civile, ont alerté les autorités françaises sur la controverse déjà évoquée dans un article publié en mai dernier par Le Financier d’Afrique sur les irrégularités constatées autour des cautions scolaires en France, notamment sur la question de délivrance des Attestations de virement irrévocable (AVI) encore appelées cautions bancaires. Il s’agit en fait d’un document qui confirme les dépôts de transfert mensuels émis par toute banque ou institution financière, permettant de justifier les frais de subsistance de l’étudiant dans l’Hexagone à l’Ambassade de France au moment de demander un visa étudiant. Sa valeur est actuellement estimée à au moins 7 380 euros (4.884.000 Fcfa), soit 615 euros (404.000 Fcfa) à remettre à l’étudiant par mois pour vivre en France.
La correspondance met ainsi en lumière les actions illicites des structures financières non bancaires, qui se proposent chaque année d’accompagner les étudiants camerounais désireux de poursuivre leurs études en France, dans leurs démarches d’obtenir un visa d’entrée dans ce pays très prisé d’Europe, en leur procurant notamment des garanties financières qui ne sont pas toujours respectées.
En effet, ces fintechs qui disposent d’agréments français, collectent des fonds évalués chaque année à plusieurs dizaines de milliards de Fcfa alors qu’elles n’en ont pas le droit. Faut-il le rappeler, cette activité de collecte est uniquement réservée aux banques. C’est d’ailleurs dans les livres de ces établissements de crédit que doivent être ouverts les comptes aux étudiants en partance pour la France. Sauf que « les fonds des étudiants sont malheureusement déposés directement dans le compte entreprise de ces fintech, ce qui est tout à fait illégal, alors qu’ils doivent être envoyés sur le compte particulier des étudiants ouverts dans une banque », déplore un responsable de banque rencontré. Conséquence, les promoteurs de ces structures se présentant comme des sociétés financières internationales peuvent utiliser cet argent à leur guise en investissant dans d’autres secteurs d’activité. Une action qui n’est pas sans risque sur divers plans. Ce qui devrait amener les autorités financières de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac), notamment la Commission bancaire d’Afrique centrale (Cobac) à se pencher sur cette question qui peut à long terme, donner lieu à des activités de blanchiment d’argent.
Des conséquences néfastes sur les conditions d’étude des apprenants
Dans sa lettre adressée au président français, Cedric Yamdjeu a révélé avoir reçu de nombreuses plaintes des jeunes étudiants camerounais ces dernières semaines dans le cadre de mentoring d’accompagnement. Affirmant avoir des familles en faillite financière à cause d’hypothèques illégales et des pratiques douteuses de ces fintechs. Et pour cause, les remboursements des fonds qui sont en principe mensuels ne sont quasiment pas faits chez certains. Et quand bien même c’est le cas, ça se fait de manière tardive, ce qui a un impact sur leur vie en France. « Il est arrivé que je fasse trois mois sans recevoir le moindre centime alors que j’ai pourtant versé entièrement de ma caution. Cela a eu un sérieux impact sur mon quotidien car je me suis retrouvé dans une précarité où j’étais même incapable d’avoir de quoi manger. Ma famille au Cameroun ne pouvait rien m’envoyer parce que c’était difficile, car ayant déjà contracté un énorme prêt pour me permettre de voyager et continuer mes études en France », révèle sous anonymat une étudiante camerounais arrivée en France il y a un an.
D’après certaines sources, les banques françaises ne reçoivent pas toujours les fonds des étudiants récoltés au Cameroun par ces fintech opérant sur place dans le segment de l’octroi des AVI. « On sait que pour les banques, c’est la Beac (Banque des Etats de l’Afrique centrale, Ndlr) au Cameroun qui donne l’autorisation pour l’activation des fonds à l’étranger, particulièrement dans les banques étrangères », fait remarquer l’ingénieur financier Cedric Yamdjeu, dans un entretien téléphonique.
Des recommandations pour règlementer l’activité
Face à tout cet imbroglio, des membres de la diaspora camerounaise ont fait remarquer que le fonctionnement illicite de ces fintechs vient compromettre la destination France, en plus de nuire à l’image des entrepreneurs de la diaspora dans ce pays. Par ailleurs, ces agissements à long terme porter un sérieux préjudice sur les relations diplomatiques entre la France et le Cameroun.
Et pour y remédier, plusieurs recommandations ont été formulées aux autorités compétentes françaises (pouvoirs publiques, privés, universités et partenaires académiques) dans la correspondance adressée au président français. Il s’agit : de la mise aux normes de ces structures financières (acquisition des autorisations, agréments) ; l’audit de ces structures en Afrique, notamment au Cameroun et en Côte d’ivoire où leurs actions sont le plus marquées ainsi qu’en France à travers une task force composée d’auditeurs en France et en Afrique ; la garantie des fonds des familles et étudiants étrangers.