La signature le 27 octobre 2020 à Yaoundé entre les deux parties vise, non seulement à l’amelioration de l’offre internet et la rendre accessible en termes de coût. Cependant, le mutisme des operateurs de télécoms remet en question la pertinence de cette initiative.
Améliorer la qualité des services d’internet au Cameroun. Tel est l’objectif qui sous-tend la signature à Yaoundé, le 27 octobre 2020 d’une convention entre le ministère des Postes et télécommunications (Minpostel) et le Cameroon internet exchange point (Camix). Ont paraphé ledit document, Minette Libom li Likeng, la ministre des Postes et télécommunications et Olivier Leloustre, président du bureau exécutif du Camix. Par cet acte, l’association se voit confier la gestion et l’exploitation des points d’échange internet (IXP) des villes de Douala et de Yaoundé. Ces points permettent l’échange d’informations entre les fournisseurs d’accès et de services IP au plan local. « Le fonctionnement optimal de cette infrastructure, offre de nombreux avantages. En effet, elle permet notamment de : faciliter l’échange du trafic Internet local ; faire des économies de coûts ; améliorer la qualité de l’accès à Internet par l’optimisation de la latence et de la bande passante ; fournir des services Internet à valeur ajoutée ; augmenter l’utilisation d’Internet au niveau national, etc », a expliqué le représentant du Camix.
Pour Godfroid Ondoua Ella, ingénieur des télécoms et spécialiste des TIC, « les points d’échange internet permettent aux opérateurs de maintenir le trafic internet à l’intérieur du pays sans devoir à chaque fois aller chercher internet ailleurs à chaque connexion. Ils servent aussi dans le maintien du fonctionnement d’internet dans un pays même en cas de coupure des liaisons internationales. A cela s’ajoutent respectivement la réduction des coûts des connexions data et l’utilisation des devises pour assurer le trafic internet, tout en boostant l’utilisation d’internet dans un pays et bien d’autres », explique-t-il.
Le cahier de charges du Camix
En attendant l’aboutissement du processus de cession en cours dans le cadre d’une délégation de service public, une autorisation est octroyée au Camix. Ce qui lui permet de gérer les points d’échange internet à lui confiés. Il est également appelé à garantir les intérêts de ses membres, promouvoir le développement de l’internet au Cameroun, préserver les intérêts des consommateurs, contribuer à l’émergence d’une société camerounaise digitalisée et favoriser le développement de l’économie numérique.
Dans une décision du Minpostel du 26 Octobre 2020 autorisant le Camix à assurer la gestion des points d’échange internet de Yaoundé et Douala, un cahier de charges a été attribué à ladite association. Selon la Minpostel, Camix est une association privée de droit camerounais regroupant les fournisseurs d’accès ou de services internet. Elle leur permet d’échanger du trafic internet entre leurs réseaux de systèmes autonomes grâce à des accords mutuels dits « accords peering » ou « accords entre homologues ». Pour les experts des TIC, les points d’échanges internet ont pour objectifs d’éviter que le trafic internet local ne transite par des liaisons internationales. Aussi, ils permettent de réduire le temps de latence de l’internet, augmenter les performances et la résilience de l’internet ainsi que des réseaux de communications électroniques au niveau national. A cela s’ajoutent entre autres, la réduction des coûts liés au trafic internet et la réalisation des économies d’exploitation pour des structures connectées. Le Camix a annoncé que les caches de « Google » vont bientôt être disponibles à Douala et Yaoundé. Ce qui permettra aux internautes d’économiser des dizaines de gigas tout en suivant les déploiements de « Netflix » et « Cloud Fare » qui ont déjà donné leur accord. Des négociations ont déjà été entamées avec « Amazon » et le géant « Facebook », apprend-t-on de sources bien introduites.
Les zones d’ombre
Depuis la signature de la convention entre le Camix et le Minpostel, le 27 octobre dernier, aucun opérateur des télécommunications ne s’est prononcé sur le sujet. Certains analystes redoutent des blocages dans l’implémentation du processus enclenché. « Le Camix aurait normalement dû être une association d’opérateurs et de fournisseurs d’accès à internet (FAI). Attendons de voir ce qu’en pensent MTN, Orange et Nexttel, sans l’adhésion desquels la portée de Camix demeurerait toujours marginale », craint Godfroid Ondoua Ella. Car, aucune amélioration n’est à attendre sans la collaboration franche des opérateurs du secteur. Face au mutisme de MTN, Orange, Nexttel et les autres sur le sujet, l’heure est à l’expectative. « Attendons voir ce qu’en pensent les opérateurs sus évoqués. S’ils n’y souscrivent pas, la portée du texte signé le 26 octobre 2020 par la ministre des Postes et télécommunications sera totalement nulle », indique l’expert. Ce qui pousse nécessairement au doute. « C’est un peu difficile à expliquer tant que la réaction des opérateurs des télécoms n’est pas connue de manière officielle. Il faut déjà savoir que cela fait des années que ces points d’échange internet (IXP) existent et qu’ils sont boudés par lesdits opérateurs. A mon avis, la signature de cette décision risque de ne pas changer grand-chose. Car, le souci commence même au niveau du processus de mise en oeuvre d’un IXP dans un pays », explique-t-il.
La procédure d’interconnexion
D’après le texte autorisant le Camix à déployer ses activités, « la demande d’interconnexion aux points d’échange internet est adressée par lettre recommandée ou par tout moyen laissant trace écrite au président du Camix pour étude préalable avec copies à l’agence de régulation des télécommunications (ART) et à l’Agence nationale des technologies de l’information et de la communication (Antic) ». Toutefois, si les éléments de motivation ne sont pas jugés satisfaisants, « la décision du Camix peut être réformée par l’ART et l’Antic, organes en charge de la régulation des communications électroniques et de l’internet garantes de l’exercice d’une concurrence saine et loyale entre les acteurs des points d’échange internet ».
Godfroid Ondoua Ella, expert des TIC
« Les points d’échange internet sont boudés par les opérateurs »
Dans cet échange, il exprime des réserves quant à la réussite de cette opération enclenchée par le gouvernement.
Quelle est la portée de la convention Camix-Minpostel pour les consommateurs d’internet au Cameroun ?
C’est un peu compliqué à expliquer tant que la réaction des opérateurs des télécommunications à l’instar de MTN, Orange, Nexttel et bien d’autres n’est pas connue de façon officielle. Il faut néanmoins savoir que cela fait des années que les points d’échange internet existent, et qu’ils sont boudés par ces opérateurs. A mon avis, la signature de cette décision risque de ne pas changer grand-chose parce que le souci commence au niveau du processus de mise en oeuvre d’un point d’échange internet dans un pays. Le Camix aurait normalement dû être une association d’opérateurs et de fournisseurs d’accès à internet (FAI). Attendons de voir ce que pensent ces derniers. Sans leur adhésion, la portée de Camix demeurerait marginale. Cela me pousse à croire que la convention signée le 27 octobre dernier, visait peut-être à formaliser leur combine qui dure depuis quelques années. Tant qu’ils ne contenteront pas les opérateurs des télécoms, cette convention ne va aider les consommateurs en rien du tout ! Attendons voir ce qu’en pensent les opérateurs sus évoqués. S’ils ne souscrivent pas, la portée du texte du Minpostel du 26 octobre 2020 sur la question sera totalement nulle.
Certains pensent que la gestion du point d’échange internet de Douala et Yaoundé est une étape importante dans la mise en oeuvre de la portabilité des numéros. Qu’en pensez-vous ?
Cela n’a absolument rien à voir. Encore que la portée réelle de la portabilité dans un pays où chacun peut avoir jusqu’à douze cartes SIM, est plus que marginale pour ne pas dire insignifiante.
De manière simplifié, c’est quoi un point d’échange internet ?
Un point d’échange internet (ou Internet exchange point en anglais d’où l’acronyme IXP) permet aux opérateurs de maintenir le trafic internet à l’intérieur du pays sans avoir à aller le chercher ailleurs à chaque connexion. Il permet également de maintenir le fonctionnement d’internet dans un pays même en cas de coupure des liaisons internationales tout en minimisant le coût des connexions data et l’utilisation des devises pour assurer le trafic internet. Il permet aussi de booster l’utilisation d’internet dans un pays et bien d’autres choses.