D’après les organisations internationales, les femmes africaines sont les championnes du monde de l’esprit d’entreprise, avec 24% d’entre elles en âge de travailler impliquées dans la création d’une entreprise.
«Pour que l’entrepreneuriat féminin en Afrique se conjugue de plus en plus avec les nouvelles technologies, il est nécessaire que les efforts menés ces dix dernières années pour donner un accès à une éducation basique de qualité aux femmes, soient poursuivis et renforcés par l’apprentissage des technologies de l’information ». Tels sont les propos de Haweya Mohamed, Co Fondatrice et Directrice générale de Afrobytes, premier tech hub dédié à l’innovation africaine à Paris.
Pour cette dernière, l’entrepreneuriat féminin est certes l’un des plus importants au monde, mais il existe dans le même temps une immense inégalité entre les sexes en ce qui concerne l’accès aux technologies. Les inégalités dans l’accès à l’éducation, le taux d’illettrisme féminin, le faible pouvoir d’achat des femmes face aux coûts d’accès aux données ou encore les normes culturelles et sociales conservatrices, sont autant de facteurs qui font que le nombre de femmes menant une carrière dans le secteur des nouvelles technologies ou créant des « startups » est largement inférieur à celui des hommes.
De l’avis des organisations internationales, les femmes africaines sont les championnes du monde de l’esprit d’entreprise, avec 24% d’entre elles en âge de travailler qui sont impliquées dans la création d’une entreprise. Un chiffre sans équivalent dans le monde qui contribue à hauteur de 12 à 14% du PIB du continent. Pour s’appuyer sur cette dynamique, le numérique est aujourd’hui un levier décisif, même si les défis à relever sont nombreux. En effet, elles souffrent particulièrement de nombreux maux parmi lesquels les barrières juridiques et culturelles qui les empêchent d’accéder à certains emplois, le manque de formation, un manque d’accès à la technologie (9% de femmes de moins que d’hommes possèdent un télé- phone portable et seulement 48% utilisent l’internet), ou des difficultés à obtenir un prêt auprès des banques.
Pourtant, l’Afrique est le premier continent de l’entrepreneuriat féminin où les femmes produisent près de 65% des biens de la région. La digitalisation à grande vitesse et la démocratisation des nouvelles formes de technologie, ont permis aux sociétés africaines d’être les mieux placées au niveau mondial en termes de leadership féminin et de parité, ou encore de renforcer la visibilité des femmes dans divers secteurs d’activité plus rapidement. Parmi les 30% de femmes entrepreneures que compte le continent africain, plusieurs d’entre elles ont investi la scène Tech comme Arielle Kitio (Caysti) au Cameroun, Nafissatou Diouf (SenVitale) au Sénégal, Christelle N’Cho Assirou (Ictina) en Côte d’Ivoire, pour ne citer qu’elles.
A travers son centre d’innovation Wetech, la Camerounaise et Techwoman Elodie Nonga, a pour objectif d’appuyer la représentation des femmes dans les domaines de l’entrepreneuriat et de la technologie tout en leur fournissant le soutien, les outils et le réseau dont elles ont besoin. « En ce qui concerne le secteur technologique, nous œuvrons à initier et former les femmes et les filles aux technologies émergentes. Qu’elles découvrent par exemple ce qu’il est possible de faire avec une imprimante 3D, comment développer des applications web et mobiles, comment être plus efficiente grâce à l’intelligence artificielle, anticiper sur l’évolution du monde avec la data science, se mettre au service de la protection en ligne à travers la cybersécurité, ou encore faire ressortir sa créativité avec la réalité virtuelle et la réalité augmentée, et plus encore », affirme Elodie Nonga, présidente du centre d’innovation Wetech.
En Afrique, les efforts visant à renforcer l’autonomie des femmes entrepreneurs dans le domaine du numérique sont soutenus par l’Initiative « eTrade for all », avec la participation active du Fonds d’équipement des Nations unies et de la Banque africaine de développement, deux de ses partenaires.
interview
Marie Lucette N’Guessan, initiatrice du programme Digital au Féminin Tour
« Le manque de formation est l’un des problèmes majeurs pour les femmes intéressées par les questions numériques »
Dans cet entretien, la consultante en communication digitale revient sur l’importance de la formation numérique des femmes.
Existe-t-il des obstacles auxquels les femmes sont confrontées lorsqu’il s’agira d’accéder à la formation numérique ?
Effectivement, il existe déjà des obstacles auxquels les femmes sont confrontées lorsqu’il s’agit d’accéder à la formation numérique. Les principaux obstacles incluent l’accessibilité aux équipements informatiques en raison de leur coût, les stéréotypes qui découragent les femmes à utiliser le numérique ou à travailler dans ce domaine, et le manque de formations, en particulier pour les femmes vivant dans des zones reculées. Le manque de formation est l’un des problèmes majeurs pour les femmes intéressées par les questions numériques. On espère que ces obstacles seront réduits avec le temps.
Quelles sont les compétences numériques essentielles pour renforcer l’autonomie des femmes dans la lutte contre les violences basées sur le genre ?
Il y a aujourd’hui énormément de compétences dont on a besoin, mais je pense que la compétence basique est de pouvoir se servir de l’outil numérique. C’est l’une des compétences clés. Si on sait comment se servir du numérique, on peut avoir accès à de nombreuses ressources. Ensuite, si les femmes souhaitent développer des solutions pour lutter contre les violences faites aux femmes, je pense que les compétences de conception de plateformes, de logiciels et de sites web sont importantes. Ainsi, en développant ces plateformes en tant que femmes, elles peuvent les rendre plus adaptées à leurs réalités. La plupart des plateformes existantes sont développées par des hommes qui, même s’ils comprennent la situation des femmes, ne peuvent pas forcément proposer des solutions adaptées à 100% à leurs réalités. Il est donc important d’encourager davantage les femmes à s’intéresser aux métiers techniques du numérique pour qu’elles puissent être elles-mêmes actrices du développement de solutions.
Comment peut-on encourager davantage les femmes à s’impliquer dans cette initiative d’inclusion numérique ?
Pour encourager davantage les femmes à s’impliquer dans cette initiative, il est important de faciliter leur accès aux matériels informatiques et à l’internet. En parallèle, nous pouvons mettre en place des programmes de formation adaptés, qui leur permettent de se former à moindre coût, voire gratuitement, sur une certaine période. Il est également essentiel de changer notre langage vis-à-vis des femmes et de ne pas considérer le numérique comme exclusivement réservé aux hommes. En modifiant notre langage, nous pouvons encourager les femmes à s’approprier le numérique.