Après le Comptage physique du personnel de l’Etat (Coppe), le pointage des agents de l’Etat décédés et les fichiers des ayants droit, ainsi que la solde des diplomates, Louis Paul Motaze, le ministre des Finances ouvre le front des baux fictifs de l’Etat. Depuis le 1er octobre dernier, une mission interministérielle instruite par l’argentier national parcourt le territoire national à l’effet de procéder à la «vérification de l’occupation effective» de bâtiments loués par l’Etat pour usages de bureaux ou de logements. Cette équipe mixte est constituée des représentants des ministères des Finances, de la Défense, du Domaine et de la Société Immobilière du Cameroun (SIC). Les occupants des maisons doivent présenter à l’équipe de contrôle un certain nombre de documents tels que la photocopie de l’attestation ou de la lettre d’attribution du logement, la photocopie du bulletin de solde datant de moins de trois mois et l’attestation de présence effective au travail.
Mais avant cette lourde mission en cours, Louis Paul Motaze avait déjà diligenté une enquête sur l’occupation des baux administratifs pour le pointage physique des bâtiments loués pour usage de bureaux ou de logements, ainsi que le personnel occupant les loyers administratifs et d’astreinte sur l’étendue du territoire national. Le résultat de cette enquête met en exergue des disfonctionnements et des défaillances divers. Il en ressort par exemple qu’il y a des bâtiments en ruine que l’Etat continue de louer, de nombreux immeubles loués à l’Etat au-delà de leur valeur réelle ou encore des paiements des loyers par l’Etat pour des bâtiments, alors même que le contrat de bail est inexistant ou introuvable. Certains acteurs de cette vaste fraude, notamment des agents publics, pris au dépourvu, ont refusé de s’identifier. De même, les enquêteurs ont noté l’absence de plusieurs attestations d’occupation des bâtiments loués.
Le bilan chiffré de cette première mission fait état de 2156 agents publics logés et bénéficiant des indemnités de non logement en violation de la réglementation en vigueur. Ce qui coûte environ 1,2 milliard de Fcfa représentant les indemnités de logement perçues par ces agents publics. Il y a aussi le cas de 2141 personnes logées par l’Etat, mais étrangères à l’administration publique et/ou frappées par l’âge de la retraite. Le préjudice subi par l’Etat se chiffre à plusieurs milliards de Fcfa. On note également près de 170 cas de contrats de bail régulièrement payés par l‘Etat, alors même que les logements ne sont pas occupés par l’Etat ou ses agents, ou même dans certains cas, ces maisons n’existent pas. L’enquête a aussi découvert un réseau de 774 cas de contrats de bail irréguliers, pourtant payés par l’Etat. Il s’agit des cas où l’occupation n’est pas effective ou alors de contrats régulièrement payés mais portant sur des bâtiments à l’état délabré, menacés par la ruine ou alors abandonnés. D’autres cas sont légion comme l’occupation irrégulière des logements, de non respect de la destination contractuelle ou encore de maisons louées à des coûts exorbitants en violation de la règlementation sur les logements de fonction. Pour ces cas de contrats irréguliers, le manque à gagner subi par l‘Etat camerounais chaque année est de 2,411 milliards de Fcfa.
Ce trouble dans la gestion des baux publics a déjà fait perdre au Trésor public la bagatelle de 206 milliards de Fcfa, selon les estimations du ministère des Finances, révélées par le journal Défis Actuels.
La mise en oeuvre des conclusions de cette enquête permet d’envisager des économies budgétaires substantielles dès cette année. «Sur la base des éléments collectés sur le terrain, la rationalisation des dépenses permettrait la réalisation des économies budgétaires d’un montant global d’environ Fcfa 3,885 milliards sur le budget 2020», peut-on y lire. Ces économiques budgétaires ne tiennent pas compte d’au moins 2141 personnes logées par l’Etat, mais étrangères à l’administration.