Les populations des grandes métropoles camerounaises, notamment Yaoundé et Douala, ont traversé ces derniers jours, des moments particulièrement difficiles pour ce qui est de l’approvisionnement en énergie électrique. En effet, les coupures intempestives de courant se sont accentuées ces deux dernières semaines, au point où les habitants de certains quartiers de la capitale politique situés en plein coeur de la ville, se sont retrouvés contraints de dormir contre leur gré dans le « noir » pendant plusieurs jours. Pour d’autres, le calvaire lié à l’absence de l’électricité se passait plutôt en journée, avec un sérieux impact négatif sur les différentes activités.
Il est clair que face à l’incapacité d’approvisionner en même temps et sans discontinue les métropolitains en énergie électrique, la société The Energy of Cameroon (Eneo) a opté pour un rationnement des populations. Et malgré les nombreuses plaintes, l’entreprise en charge de la distribution de l’électricité dans le pays n’a pas daigné apporter des explications sur cette situation dommageable sur le plan socioéconomique. En zone rurale, la situation est bien pire puisque de nombreux villages situés à une cinquantaine de kilomètres seulement de Yaoundé, passent parfois de nombreux mois sans électricité. Les villageois se sont d’ailleurs accoutumés à cet état de chose à tel enseigne que, c’est le retour du courant qui surprend désormais. Sans blague ! Qui aurait pu imaginer qu’en 2021, le Cameroun vivrait encore de tels délestages dans le secteur de l’électricité, surtout en zones urbaines. C’est que l’offre en énergie électrique évaluée à seulement 40%, est encore largement insuffisante au Cameroun, alors qu’il est le troisième pays au plus grand potentiel hydroélectrique d’Afrique derrière la République du Congo et l’Ethiopie.
Lors des cérémonies de pose des premières pierres effectuées par le chef de l’Etat en personne des barrages de Memve’elle dans le sud et Lom Pangar à l’est en 2012, on annonçait la fin des délestages dans le pays en 2018. Dans une interview accordée en novembre 2016 au journal français Le Monde, Theodore Nsangou, le directeur général de l’entreprise Electricity Development Corporation (EDC) indiquait avec une assurance déconcertante, que le Barrage de Lom Pangar dont la gestion incombe à l’entreprise qu’il dirige, devait être terminé en 2016. « L’usine de pied ouvrira en 2018 et on estime que le barrage sera au maximum de ses capacités fin 2018 », avait-il laissé entendre. L’infrastructure qui a nécessité un financement de plus de 240 milliards de Fcfa, devait réguler le débit du fleuve Sanaga pour qu’il soit supérieur à 1 000 mètres cubes par seconde, ce qui représente 170 MW de puissance hydraulique à très court terme. Grâce à la régulation du Sanaga, le pays envisageait ainsi la construction d’une dizaine de barrages en aval, ce qui devait alors porter le potentiel énergétique à 6 000 MW.
Près de dix ans après le lancement des travaux de ces deux infrastructures de poids, la fin des coupures électriques reste utopique. La situation s’est plutôt empirée au point où l’on opère un retour au rationnement. Aujourd’hui, il est impossible d’organiser une cérémonie grandiose fût-elle à Yaoundé, sans prévoir un générateur électrique. Pour ne plus subir un arrêt forcé d’activités pendant des dizaines d’heures, plusieurs petites structures se sont dotées de groupes électrogènes. Des domiciles privés n’échappent pas à cette exigence car il est impérieux d’éviter que les aliments conservés au frais se périssent.
A cette allure, le Cameroun n’est donc pas prêt d’atteindre l’émergence économique escomptée par ses dirigeants politiques à l’horizon 2035. Car on ne le dira jamais assez, l’énergie est un maillon essentiel de l’industrialisation et donc du développement économique, puisque c’est elle qui permet la transformation aisée des matières premières. D’ailleurs, une étude réalisée par le Bureau international du travail (BIT) à la demande du Groupement interpatronal du Cameroun (Gicam), place le déficit énergétique en tête des facteurs qui limitent le développement optimum des entreprises dans le pays. Un véritable paradoxe !