En réaction à la mise en demeure servie à son entreprise par le régulateur du secteur le 13 avril dernier, cette dernière par le biais d’une interview de son directeur général en a apporté des réponses aux griefs portés contre elle.
Dans une correspondance du 13 avril 2021 adressée au directeur général (DG) d’Eneo, entreprise chargée de la distribution de l’électricité au Cameroun, Jean Pascal Nkou, le directeur général de l’Agence de régulation du secteur de l’électricité (Arsel), a adressé une mise en demeure à cette dernière. Il lui est reproché, « le non-respect de l’article 13 du Règlement du service de distribution publique d’électricité, lequel définit les actes constitutifs de fraude ». A cela s’ajoute « le défaut d’utilisation des compteurs témoins » en violation de l’article 13 du règlement susvisé relatif aux instruments et moyens de contrôle, en cas de soupçons de vol d’énergie ou d’anomalie affectant l’appareil de comptage. A ce grief, s’ajoutent d’autres relatifs notamment à la suspension de la fourniture d’énergie aux clients soupçonnés de fraude en dépit de la saisine de la Commission de conciliation de l’Arsel aux fins de contestation en violation des textes en vigueur, le défaut d’utilisation des compteurs témoins en violation de la réglementation sus évoquée, et la mise en oeuvre des opérations de lutte contre les pertes non techniques par les personnes non autorisées. Ceci ajouté au défaut du recours aux huissiers de justice, experts techniques, officiers de police judiciaire, ou aux agents assermentés d’Eneo. « Par ailleurs, il a été également observé que certains clients de votre société, alimentés par des points de livraison régulièrement connectés aux appareils de comptage fixés hors de leurs domiciles ou bureaux continuent d’être taxés de fraudeurs avec pour conséquence, l’imputation d’une pénalité », constate le DG de l’Arsel. Une situation en violation de l’article 13 du même règlement qui qualifie de fraude : « Tous actes ayant pour objet ou pour effet de prendre de l’énergie électrique en dehors des quantités mesurées par le compteur, de fausser les indications du compteur, de même que toute rupture de scellement ou de plombage constituent des fraudes ».
La réaction d’Eneo
Dans une interview accordée au site d’information « Investir au Cameroun », Eric Mansuy, directeur général d’Eneo réclame un peu plus de 180 milliards de Fcfa à ses clients à fin 2019. Dans ce montant, figure les 63 milliards d’impayés des entreprises publiques ou à capitaux publics. Entretemps, le distributeur exclusif de l’électricité du pays devait à ses fournisseurs d’énergies et de carburants 155 milliards Fcfa selon des sources proches de l’entreprise. En décembre 2019, au cours d’une réunion avec les acteurs du secteur, le gouvernement s’est engagé à accompagner les entreprises dans la recherche de solutions pour un retour rapide à l’équilibre financier du secteur. C’est dans ce sillage qu’intervient la désignation de Bgfi Cameroun, il y a quelques semaines, aux fins d’arranger l’opération de structuration de la dette d’Enéo vis-à-vis de ses fournisseurs d’énergie que sont la Kribi power development company (Kpdc) et la Douala power development company (Dpdc). Celle-ci s’élève à 83 milliards de Fcfa. « Nous avons signé des accords en fin 2020 avec Kpdc et Dpdc pour l’apurement de cette dette dans un délai raisonnable de 48 mois. Eneo prend toutes les mesures pour implémenter ces accords. Par ailleurs, il semble effectivement que Kpdc et Dpdc travaillent actuellement de leur côté avec des banques pour arranger une opération de structuration. Ce sont ces deux sociétés qui ont mandaté une banque de la place », a expliqué Eric Mansuy à nos confrères de « Investir au Cameroun ». Dans le même registre, il est à noter que cette entreprise a également une dette résiduelle ancienne vis-à-vis de Tradex. « Elle ne pourra être réglée que dans le cadre d’un apurement global des dettes du secteur. Les discussions se poursuivent avec l’État à ce sujet », indique le DG d’Eneo via la même source.
Les consommateurs victimes
Selon la Caisse autonome d’amortissement (CAA), la dette de l’Etat du Cameroun vis-à-vis d’Eneo se situait à 40,1 milliards de Fcfa à fin 2020. Une situation qui selon le DG de cette entreprise, « handicape très sérieusement ses opérations et ses capacités de développement ». Des indiscrétions font état de ce que des réflexions sont menées en haut lieu pour le dénouement de cette situation préjudiciable aux consommateurs qui se voient obligés de supporter les charges de la structure. Dans un post publié sur les réseaux sociaux, Delors Magellan Kamgaing, président de la Ligue camerounaise des consommateurs (LCC) dit soutenir la décision de l’Arsel vis-à-vis d’Eneo. « La Ligue camerounaise des consommateurs soutient l’Arsel et attend des sanctions exemplaires contre Eneo », indique-t-il. Selon Eneo, les charges de combustibles et d’achats d’énergie sont supportées par le secteur même si elle reconnaît que les consommateurs en paient une partie à travers le tarif. Le reste est supporté par l’Etat à travers une compensation tarifaire. Action qui s’inscrit en droite ligne de sa politique de stabilisation des prix de l’électricité aux clients résidentiels depuis 2009.
Les injonctions du régulateur
Le régulateur demande à l’entreprise Eneo de respecter les clauses de la concertation du 24 février 2021 tenue en visioconférence relative à la problématique des pertes non techniques. Selon l’Arsel, le DG d’Eneo s’était engagé à servir à ses collaborateurs, 3 notes d’informations devant recadrer les opérations y afférentes. La première a trait à l’effectivité de l’annulation des factures au terme des descentes de vérifications contradictoires Arsel/Eneo lorsque les fraudes se sont avérées fausses. La seconde mesure porte sur la normalisation des lignes parallèles qui ne constituent pas des fraudes, et l’annulation subséquentes des factures y relatives. La dernière rappelle l’interdiction de suspension d’énergie électrique suite à une requête en contestation introduite par le client à l’Arsel ou à Eneo, sauf cas de danger manifeste sur les personnes et les biens que présenteraient les installations électriques du mis en cause. Des résolutions qui devraient être mises en application par l’entreprise Eneo dans un délai de 8 jours à compter de ladite notification.