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Les 7 griefs de la Cobac à l’encontre de l’ex DG de la Bc-PME

Un conseil d’administration extraordinaire de cette institution financière s’est tenu le 20 septembre 2023 pour remplacer Agnès Ndoumbé Mandeng dont l’agrément a été retiré par le gendarme du secteur en Cemac.

Agnes Ndoumbé Mandeng, alors directeur général de la Banque camerounaise des petites et moyennes entreprises (BcPME), est interdite de « contrôler les opérations ou d’exercer des fonctions au sein de la direction générale ou du conseil d’administration d’un établissement de crédit ou de microfinance sur l’ensemble du territoire des Etats membres de la Cemac, pendant une durée de 10 ans ». Ainsi en a décidé la Commission bancaire de l’Afrique centrale (Cobac) dans sa décision du 21 juillet 2023, signée par Abbas Mahamat Tolli, gouverneur de la Banque des Etats de l’Afrique centrale (Beac), par ailleurs son président statutaire dont LFA a obtenu copie. Une session extraordinaire du conseil d’administration de cette banque s’est tenue le 20 septembre dernier pour remplacer celle dont l’agrément a été retiré à titre disciplinaire. Il était question de désigner l’équipe devant gérer l’établissement bancaire de façon intérimaire avant la nomination des nouveaux dirigeants. Aucune information sur le nom de celui devant assurer l’intérim n’était disponible au moment où nous allions sous presse.

DeS eNtorSeS Au NiveAu Du méCANiSme De Lutte CoNtre Le bLANChimeNt D’ArGeNt

En effet, le régulateur du secteur bancaire de l’Afrique centrale a porté 7 griefs à l’encontre de la désormais ex DG de la Bc-PME. Il lui est reproché le non-respect des dispositions de l’article 58 du règlement portant prévention et répression du blanchiment des capitaux et du financement du terrorisme, ainsi que le règlement Cobac relatif aux diligences des établissements assujettis en la matière en Afrique centrale. Selon la Cobac, « la Bc-PME a ouvert des comptes bancaires à des établissements tels que Micro Capitals Bank, Vantu Bank, Exim Credit Limited et Group of Companies and Bank (Asblp) sans que ceux-ci n’aient fourni la preuve de leur agrément et de leur assujettissement à une autorité de contrôle bancaire. De même, ces comptes dits de correspondants fonctionnent comme ceux des particuliers ». Par ailleurs, « un rapatriement de 12.000euros (7,9 millions de Fcfa) ordonné par une société dénommée Suite Asset Management domiciliée en Suisse, exerçant comme intermédiaire de services financiers, semble avoir un caractère frauduleux. Les fonds issus de ce rapatriement ont été reçus sur un compte interne de la banque le 9 avril 2021 au profit d’un client occasionnel nommé Solend Group. C’est en prélude à la réception de cesfonds qu’un compte lui a été ouvert », poursuit le régulateur.

Au NiveAu De LA ComPtAbiLiSAtioN et Du ProviSioNNemeNt DeS CréANCeS

L’autre grief a trait au non-respect des dispositions de l’article 13 du règlement Cobac relatif à la classification, à la comptabilisation et au provisionnement des créances. Le rapport de mission de la Cobac dit avoir relevé que 41 dossiers de crédit évalués à 1,9 milliard de Fcfa ont été « indûment restructurés par l’organe exécutif qui les avait initialement octroyés ». A cela s’ajoute la non systématisation du déclassement en créances douteuses des concours enregistrant des impayés dont les plus anciens remontent à plus de 180 jours. Aussi, la mission Cobac avait demandé un complément de provisions de plus de 4,4 milliards de Fcfa. Lors de son audition, Agnès Ndoumbé Mandeng avait selon la décision de la Cobac sus évoquée, indiqué s’agissant de la gestion du portefeuille crédits et des provisionnements que « toutes les provisions qui ont été immobilisées initialement parce qu’adossées l’Etat du Cameroun et ou ses démembrements ont été entièrement comptabilisées à hauteur d’environ 1,5 milliard de Fcfa ». Selon ses explications, « les provisions exigées sur les financements des hôtels de la coupe d’Afrique des Nations (CAN) n’ont pas été passées du fait d’une modification de leur traitement comptable, sur recommandation du commissaire aux comptes ». A ce jour, ces financements ont été sortis du bilan de la banque selon la Cobac.

DeS LACuNeS Au PLAN mANAGériAL

Pour ce qui est du contrôle interne, le gendarme du secteur bancaire dans la sous-région dit avoir relevé des divergences entre le directeur général et le conseil d’administration sur la poursuite des objectifs stratégiques de la BcPME, notamment en ce qui concerne le respect de son plan d’affaires. Or, l’article 26 du règlement Cobac relatif au gouvernement d’entreprise dans les établissements de crédit dispose que « le conseil d’administration définit la stratégie de l’établissement de crédit, désigne les mandataires sociaux chargés de gérer l’entreprise dans le cadre de cette stratégie et choisit le mode d’organisation, contrôle la gestion et veille à la qualité de l’information fournie aux actionnaires ainsi qu’aux marchés, à travers des comptes ou à l’occasion d’opérations importantes », peut-on lire. Le directeur général adjoint est tenu à l’écart de la gestion de l’établissement. Une entorse au principe des « quatre yeux ». Plus grave, les mandats de commissaires aux comptes de la Bc-PME sont échus depuis la fin 2019, tandis que la certification du compte de l’exercice 2020 n’est pas effectuée.

A cela s’ajoute l’immixtion du DG dans le contrôle interne. Le rapport de mission de la Cobac souligne que le responsable de l’audit interne s’est heurté à la résistance du DG dans l’exercice de ses missions. Dans un mail du 25 juin 2021, ce dernier rappelle que sa hiérarchie lui avait clairement signifié au cours d’une réunion d’urgence du mercredi 23 juin 2021, que les opérations internationales font partie de son domaine réservé dont l’audit interne ne devrait pas s’en mêler. Il lui est également reproché, la validation du rapport annuel sur le contrôle interne, la mesure et la surveillance des risques, pourtant rédigé par l’auditeur interne et destiné à la Cobac, a été confiée à un cabinet externe dénommé KM Consulting. Aussi, les garanties financières émises à l’international de type « stand-by letter of credit » ne sont pas systématiquement retranscrites dans le système comptable et financier de la banque. En outre, la piste d’audit devant permettre l’évaluation exhaustive des frais et commissions que ces opérations auraient rapportés à la banque n’est pas établie.

LeS PiSteS De reLANCe De LA bC-Pme

La Bc-PME qui a reçu son agrément du ministère des Finances le 16 août 2014, pour résoudre le problème de financement des petites et moyennes entreprises (PME) qui constituent plus de 90% du tissu économique national, peine à atteindre cet objectif. Bon nombre de promoteurs de PME rencontrés se plaignent soit des lenteurs au niveau de l’octroi des financements, soit de leur absence quasi-totale. Aussi, d’aucuns déplorent son mode de fonctionnement qui serait en déphasage avec le modèle de développement des entreprises. Face à cette situation, plusieurs experts lui ont recommandé l’audit pour en déterminer sa situation réelle. «Cette situation déterminée par un certain nombre de ratios permettrait d’apprécier le niveau de recapitalisation et les mesures de traitement des créances compromises », suggère l’économiste Emmanuel Noubissie Ngakam. De son côté, l’analyste financier Georges Meka Abessolo plaide pour un changement radical du modèle économique de la BC-PME. « Le modèle d’une banque destinée uniquement aux PME n’est pas rentable. C’est dépassé. Soit, on élargit le modèle de financement de la BC-PME à toutes les entreprises en y ajoutant des guichets de financement PME, soit on la transforme en fonds d’investissement PME », propose-t-il. Selon lui, sa transformation en fonds d’investissement destiné aux PME lui « permettra un modèle de fonctionnement agile, allégé et moins coûteux ».

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