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Nouvelle hausse du prix du carburant : une réponse aux attentes du FMI

Depuis 2023, les Camerounais sont confrontés à la hausse des coûts de transports et des denrées alimentaires sur le marché. L’augmentation du prix du carburant n’a fait qu’accentuer cette situation. Alors même que les populations continuent de trinquer, l’on annonce une nouvelle hausse des prix de l’essence « Super » et du gasoil à la pompe en ce début d’année 2024, après la pénurie observée au mois de décembre dernier. Dans cet entretien, l’économiste Jean Marie Biada donne les raisons de l’augmentation du prix de l’augmentation du carburant à la pompe.

Jean marie biaDa, éConomiSte, eXpert CertiFié onudi en diagnoStiC et miSe à niVeau deS entrepriSeS

« S’il y a augmentation la vie va devenir intenable, les prix de transport vont flamber »

Dans son adresse à la Nation le 31 décembre 2023, le président de la république a annoncé une hausse du prix du carburant à la pompe en 2024. Et donc dès le mois de février prochain, le prix de l’essence va connaître une hausse. Qu’est-ce qui justifie en réalité cette augmentation du prix du carburant à la pompe ?

Plusieurs raisons justifient cela. Il faut noter que celle qui a précédé l’augmentation annoncé le 31 janvier 2023 et qui prend effet le 1er février 2023 avec une augmentation record de 15,5% sur le super, qui passait donc de 630 à 730F sur une augmentation valable, soit une hausse de 100 Fcfa et une augmentation de 26,6% sur le gasoil qui passait donc de 570 F le litre à 720 Fcfa le litre. C’était des augmentations record. Par le passé, c’était toujours 25, 50, 60 F. La dernière augmentation a eu lieu en février 2008. On avait augmenté 6 francs et il y a eu une flambée de violence dans la République au point que le gouvernement lui même a battu en retraite en soustrayant. Tout ce qu’on fait maintenant c’est importé ce qui se fait ailleurs. Quand on importe maintenant, ça veut dire quoi ? Si le prix à l’international a flambé, le Cameroun se retrouve en train d’importer l’inflation et quand il importe cette inflation-là, qu’est-ce qu’il faut faire ? Il faut procéder aux subventions pour éviter que le prix qui était déjà stable à la pompe ne puisse flamber, ne puisse suivre le yo-yo imposé par l’inflation. Et pour cela, le gouvernement, depuis des années, met des subventions dans ce secteur. Techniquement, ce n’est pas la subvention qui correspond en économie à ce qu’on appelle un transfert de revenus, un transfert de fonds. C’est-à-dire qu’on a payé, par exemple, l’impôt minier synthétique et le gouvernement a pris ça pour aller donner à la Sonara, pour aller donner à la Scdp, pour aller donner aux importateurs. Ce n’est pas comme ça que ça se passe. Ce que le gouvernement appelle subvention ici, techniquement, en fiscalité, ça s’appelle les dé- penses fiscales. Les exonérations. Il s’agit des incitations administratives, fiscales, douanières.

Voilà ce qu’on appelle les dépenses fiscales. A l’exemple, au cours de l’exercice 2024, sont exonérés des droits de douane tels ou tels produits. Voilà. Parfois, certains agents ne parviennent pas à mieux expliquer ça à M. Tout-le-Monde. Parce que M. Tout-le-Monde comprendra que l’État a pris de l’argent pour donner aux importateurs de riz. Une subvention, c’est un transfert de fonds. Ici, l’État a renoncé à prélever un droit. Quand j’importe le pétrole brut, il y a la TVA dessus. Quand je raffine maintenant, je dois pouvoir vendre aussi, il y a la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) dessus. Quand le monsieur transporte à bord d’un navire de Limbé pour venir au Duc d’Albe, ici, pomper dans les caisses de la SCDP, on appelle ça le cabotage. Il y a la TVA sur le cabotage. Quand on stocke là- bas, il y a une taxe sur le stockage. Quand on enlève maintenant pour transporter à travers des petits camions, il y a la TVA sur le transport. Donc, ça fait à peu près 5 à 6 postes de TVA. L’État renonce donc à prélever ses TVA. C’est ça que l’État appelle subvention. Ce n’est pas un transfert de fonds. L’État ne sort pas de l’argent ailleurs pour mettre dans le domaine. Il y a la taxe spéciale sur les prix du produit pétrolier (Tspp), qui est reversée à l’État au bout de trois mois. Et comme la Sonara également est entre guillemets stockeuse des produits finis pour le Sud-Ouest, elle doit prélever aussi la Tspp pour pouvoir rétrocéder à l’État. Il peut donc arriver que l’État, dans son élan d’étendre la dépense fiscale à l’ensemble des produits pétroliers et sur l’éventail des impôts droits et taxes qui frappent dans le secteur pétrolier aval, renonce donc à prendre cette Tspp pour que cela reste dans le secteur et diminue donc les prix, ou à tout le moins maintienne les prix au niveau standard qu’il a été depuis 2014.

Au regard de cette précision, comment les citoyens doivent bien comprendre cette nouvelle hausse ?

En 2016, le vendredi 24 décembre, le chef de l’État Paul Biya, sans être président en exercice de l’UA, a organisé un sommet à Yaoundé, où il a reçu deux invités spéciaux à côté de ses pairs de la sous-région Cemac. L’un des deux invités spéciaux qui s’était mêlés à ce banquet stratégique était le Directeur général du FMI, qui s’appelait Christine Lagarde, anciennement ministre des Finances en France. Ils sont venus pour exhorter le président à dévaluer. Cette requête a été rejetée. Au sortir de cette réunion, ils ont donc exhorté les chefs d’État de la Cemac de mettre en œuvre les 22 recommandations qui avaient été arrêtées. L’une de ces recommandations exhortait chacun des pays à rentrer sous programme avec le Fonds monétaire international. Et le Cameroun est entré dans ce programme avec le FMI. Et ce retour a été consacré par le bénéfice de ce qu’on a appelé la FEC, première Facilité et l’Agence de Crédit de 666 millions de Dollars. Or, vous voyez, en 2019, le Covid pointe le nez. Et en 2020, maintenant, il fallait renégocier. Or, le Fonds Monétaire avait mis sur pied un instrument pour pouvoir apporter un appui à ces États-là, à faire face aux effets négatifs du Covid. D’où la mise en place de la facilité de crédit rapide de 180 milliards à problème que vous connaissez. Et après, maintenant, en 2021, l’État du Cameroun a bénéficié de sa deuxième facilité.

Je veux ainsi expliquer que, le FMI, quand il est chez toi, ce n’est pas pour que tu construises une industrie. Le FMI ne vient pas chez toi pour que tu construises un barrage, que tu construises un pont. Le FMI vient regarder toutes les sources d’argent frais, argent liquide. Vous voyez, quand on dit par exemple qu’on a fait passer, le droit de timbre automobile, de25 000 à 50 000. C’est de l’argent frais. Le FMI a besoin de ça. Le droit de timbre d’aéroport, on fait passer ça de 10 000 fois à 40000. Oui, c’est de l’argent frais.

Le FMI, voilà ce qu’il aime. Le timbre de passeport, etc. Donc, chez nous, toutes les poches d’argent frais intéressent le FMI.

Il prend donc ça et il remet au service de la dette pour rembourser la dette. Le FMI n’est pas là pour investir. Le FMI demande au gouvernement de prélever cet argent et dit de supprimer les subventions. Non, ce ne sont pas des subventions. Ce sont des dépenses fiscales. Donc, le FMI demande que le gouvernement supprime le secteur pétrolier aval du bénéfice des effets positifs des dépenses fiscales. Donc, dans la liste des secteurs qui bénéficient des dépenses fiscales, retirez le secteur pétrolier aval pour qu’il fonctionne normalement, comme tout autre secteur. Donc, tout l’argent qui est là, on prélève et puis on donne au FMI pour renvoyer à l’étranger. La loi de finances initiale fixe notre budget à 6354 milliards et le vendredi 2juin 2023, le chef de l’État produit une ordonnance qui dit que notre budget augmente de 381milliards 800 millions. On doit à peu près 382 milliards. Le FMI a pris 80,8%, environ 81% de ce montant pour le service de la dette. Est-ce que c’est par là qu’on va se développer ? On ne va pas se développer par le remboursement de la dette. Donc, ce qu’il nous faut, c’est une bonne gestion de notre endettement.

Le FMI a besoin de là où il y a de l’argent frais. Et c’est à la pompe. S’il y a à l’exemple 1 million de motos au Cameroun et que chaque moto consomme 2000F de carburant par jour, jusque-là, ce n’est pas exagéré. Quand vous faites 2000 par jour fois 1 million, le revenu se chiffre à 2 milliards par jour. Si le FMI s’intéresse à ce secteur là c’est parce que c’est de l’argent frais, d’où la pression sur le gouvernement. Le FMI est là pour nous obliger, dans une même mesure, à nous contraindre même à rembourser ces dettes-là. Le fonds n’est pas là pour nous aider à nous développer. Le fonds est là pour nous aider à rembourser, pour nous contraindre même à la limite, à rembourser les fonds que nous avons mobilisés auprès des donneurs d’ordre international. La situation, là, voilà. Et le lieu dont le mieux est indiqué pour aller, c’est chez ces fonds, sur le carburant.

Peut-on reprocher au FMI d’agir de cette façon, puisqu’après tout ce sont des mécanismes de remboursement de la dette qui sont mis en place ?

Le FMI a le bras long. Qu’est ce qui lui empêche de donner un financement de 500 milliards et de veiller à ce que l’Etat remette à flot la Sonara. Le FMI peut le faire. Le reproche que je fais au FMI c’est de fermer les yeux quand l’Etat ne fait pas le moindre investissement productif. Le reproche que je fais au FMI c’est de rester là simplement comme un rentier. Celui fait la ronde des maisons et récupère les loyers et quand il est coincé il va faire ce qu’on appelle en économie le Deutch disease ou le syndrome néerlandais.

Quel impact cette augmentation pourrait avoir sur le quotidien des Camerounais ?

S’il y a augmentation vraiment la vie va devenir intenable. Les prix de transport vont flamber. Certaines activités à défaut de rentrer en hibernation pourraient être abandonnées. Et si ce n’est pas le cas, on va se retrouver avec des produits de qualité douteuse…. Cela fait 5 ans depuis 2019, que la Sonara est en hibernation, il faut remettre la Sonara en marche et cela est possible. Ça va nous empêcher des augmentations insensées des prix de produits pétroliers et permettre aux Camerounais d’être beaucoup plus efficaces.


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