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Les clés de relance de la BC-PME

D’après des experts, sa survie passe notamment par le changement de son modèle économique, sa recapitalisation et le renouvellement des organes sociaux.

La presse annonce « le retrait par la Commission bancaire de I ‘Afrique centrale (Cobac) de l’agrément à son directeur général ». Information démentie par la Banque camerounaise des petites et moyennes entreprises (BCPME), Agnès Ndoumbé Mandeng, son DG. Selon des sources crédibles, elle dit n’avoir reçu aucune notification du régulateur à date sur le sujet. « Selon la réglementation bancaire, lorsque la Cobac sollicite le retrait d’agrément d’un dirigeant, elle saisit l’autorité monétaire à qui elle communique le motif du retrait et, le cas échéant, la copie du dossier y relatif », explique-t-elle. D’après des indiscrétions, la Cobac aurait au cours de ses récents travaux au mois de juillet dernier à Douala, pris des sanctions à l’encontre de certains dirigeants d’établissements bancaires, lesquelles ne sont pas publiées comme il est de tradition. Si ces informations jugées « sensibles » ne sont pas mises à la disposition du public, il reste tout de même qu’en vertu de l’article 23 de la Convention portant harmonisation de la réglementation bancaire en Cemac que la Cobac est tenue d’informer la banque concernée de sa sanction par tout moyen laissant trace écrite de sa réception. Ce qui est difficile à démontrer à l’état actuel.

Le chaNgemeNt du modèLe écoNomique S’imPoSe

Au-delà de cette polémique, il reste tout de même que la Banque qui a reçu son agrément du ministère des Finances, le 16 août 2014 pour résoudre le problème de financement des petites et moyennes entreprises (PME) qui constituent plus de 90% du tissu économique national, peine à atteindre cet objectif. Bon nombre de promoteurs de PME rencontrés se plaignent soit des lenteurs au niveau de l’octroi des financements, soit de leur absence quasi-totale. Aussi, d’aucuns déplore son mode de fonctionnement qui serait en déphasage avec le modèle de développement des entreprises. Comme principale raison évoquée, il y’a le non remboursement de crédit par des emprunteurs. Face à cette situation, Emmanuel Noubissie Ngakam, économiste et ex expert de la Banque mondiale recommande l’audit de la situation réelle de cette banque. « Cette situation déterminée par un certain nombre de ratios permettrait d’apprécier le niveau de recapitalisation et les mesures de traitement des créances compromises », suggère-t-il. De son côté, l’analyste financier Georges Meka Abessolo plaide pour un changement radical du modèle économique de la BC-PME. « Le modèle d’une banque destinée uniquement aux PME n’est pas rentable. C’est dépassé. Soit, on élargit le modèle de financement de la BC-PME à toutes les entreprises en y ajoutant des guichets de financement PME, soit on la transforme en fonds d’investissement PME », propose-t-il. Selon lui, sa transformation en fonds d’investissement destiné aux PME lui « permettra un modèle de fonctionnement agile, allégé et moins coûteux », explique-t-il.

La recaPitaLiSatioN et Le reNouveLLemeNt deS orgaNeS Sociaux

La recapitalisation de la BC-PME est une autre piste susceptible de relancer ses activités. Pour ce faire, les experts prescrivent entre autres mesures, l’ouverture de son capital par l’Etat aux structures privées, ou en proposant aux établissements publics administratifs (EPA) comme la Caisse nationale de prévoyance sociale (Cnps) ou la Société nationale des Hydrocarbures (SNH) de devenir co-actionnaires de cette banque. Dotée d’un capital de 10 milliards de Fcfa à sa création, son projet d’augmentation du capital à 20 milliards de Fcfa n’avait pas prospéré. Or, la signature par l’Etat d’une convention de garantie de 200 milliards de Fcfa avec les banques et établissements de microfinance (EMF) démontre qu’il dispose de leviers pour la recapitaliser et la remodeler. Entretemps, elle est devancée par de nouveaux concurrents comme Access Bank. Avec une seule agence au Cameroun, elle a clôturé l’année 2022 avec 21,6 milliards de Fcfa de dépôts. En outre, Emmanuel Noubissie Ngankam cité plus haut, recommande également le renouvellement des organes sociaux notamment « la désignation d’un nouveau management sur la base d’un profil de compétence avérée », conclut-il. Par ailleurs, le Fonds monétaire international (FMI) avait dans le cadre de son programme triennal 2017-2019 avec le Cameroun, suggéré à ce dernier, un plan d’affaires pour remettre la BC-PME sur les rails.

Les missions actuelles de la BC-PME

D’après les informations obtenues de la banque détenue par l’Etat camerounais, elle a pour principale mission d’orienter ses interventions en priorité vers les projets d’investissements au regard des filières à fort potentiels portées par les PME pour la création d’emplois décents et l’augmentation de la valeur ajoutée du secteur secondaire des filières du groupe 1 (bâtiments et travaux Publics, céréales de base (mais, blé, sorgho, haricot, riz & soja), pisciculture, palmier à huile, ananas, aviculture) et du groupe 2 (coton, textile, transformation durable du bois, écotourisme, énergies renouvelables et économie numérique). Pour ce faire, il lui revient de « collecter des ressources adaptées à long terme et mettre en place des lignes de financement pour accompagner financièrement et renforcer les capacités des PMEs agricoles et agroalimentaires », explique-t-elle.

Réactions

Emmanuel Noubissie Ngakam, économiste
« Pour redresser cette banque, il faudrait d’abord connaître sa situation réelle »

Pour redresser cette banque, il faudrait d’ abord connaître sa situation réelle. Cette situation déterminée par un certain nombre de ratios permettrait d’apprécier le niveau de recapitalisation et les mesures de traitement des créances compromises. L’Etat peut également envisager d’ouvrir son capital à un partenaire de référence privé. Bien évidemment il importe de renouveler les organes sociaux notamment la désignation d’un nouveau management sur la base d’un profil de compétence avérée. D’autres mesures peuvent être envisagées en fonction des missions assignées à cette banque.

Georges Meka Abessolo, expert financier, Managing director du cabinet Risk Mitigation LLC
« La Bc-PME est arrivée tardivement sur un marché très compétitif »

La BC-PME, créée en 2011 et opérationnelle en 2015 est arrivée tardivement sur un marché de financement de l’économie déjà très compétitif. Il est dominé par les banques commerciales et certains établissements de microfinance (EMF) locaux ayant aussi des guichets de financement destinés aux PME avec un marketing agressif envers ces dernières. De plus, le modèle économique initial de financement de la BC-PME est limitatif aux PME sur un marché de financement large avec plusieurs opportunités. C’est d’ailleurs ce qui expliquent l’entrée de 05 nouvelles banques commerciales au Cameroun et qui sont déjà rentables à date. Pour la BC-PME, l’Etat a deux choix, soit élargir le champs d’activités de financement à une clientèle plus large en la transformant en une banque publique d’investissement comme fut jadis la Banque Camerounaise de Développement (BCD) avec des guichets spécifiques aux PME et une gamme élargie de produits comme les garanties, les crédits de trésorerie et crédits bails, ou en un fonds d’investissement, plus agile et moins coûteux avec prise de participation en equity ou dette.

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