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Le Minfi à l’épreuve de la rationalisaton budgétaire

Les bases de la rationalisation budgétaire ont été définies au cours de la Conférence annuelle des responsables des services centraux, déconcentrés et extérieurs de cette institution tenue le 29 janvier 2024 à Yaoundé.

Comment rationnaliser les dépenses budgétaires ? C’est à cette réflexion qu’ont été soumis les responsables du ministère des Finances (Minfi) au cours des travaux de la conférence annuelle des services centraux, déconcentrés et extérieurs présidée par le chef de cette institution, Louis Paul Motaze, en présence du ministre délégué chargé des Marchés publics, Ibrahim Talba Malla, et du ministre délégué au Minepat, Paul Tasong.

Placé sous le thème : « La maîtrise de la dépense budgétaire en 2024, comme enjeu de la viabilité de nos finances publiques », cette rencontre a permis à ces responsables d’avoir des outils nécessaires pour apprécier et améliorer les dépenses budgétaires. « Les objectifs de relance économique inclusive et de réduction de la pauvreté par l’amélioration des conditions de vie de la population ne peuvent se mener sans une maîtrise de la dépense publique et des performances abouties en matière de recettes », a indiqué Louis Paul Motaze. Selon ce dernier, il s’agit de tout mettre en œuvre pour garantir un équilibre des grands agrégats macroéconomiques, tout en permettant au pays de disposer de finances publiques saines et viables.

Tout en invitant ses collaborateurs à ne pas perdre de vue le fait que l’économie du pays repose en grande partie sur les efforts de recouvrement et des capacités du gouvernement à honorer ses engagements, Louis Paul Motaze entendait ainsi poser les bases qui permettront à ceux qui l’accompagnent dans la réalisation de ses missions, d’avoir non seulement une oreille attentive aux préoccupations des populations et des usagers du Minfi, mais aussi de procéder à un suivi renforcé des évolutions des facteurs économiques. « Certes, le Cameroun fait face à une série ininterrompue de chocs exogènes, mais plus que jamais, nous avons le devoir de tout mettre en œuvre pour surpasser nos difficultés, si nous voulons préserver nos équilibres budgétaires et poursuivre l’objectif de consolidation budgétaire que nous nous sommes fixés », a rappelé le ministre des Finances

Au-delà du thème central des travaux, les participants ont suivi avec intérêt l’exposé sur « Les innovations de la circulaire sur l’exécution du budget de l’Etat » ainsi que le rôle et misions de la Caisse des dépôts et consignations. Une table ronde modérée par le ministre des Finances, a permis au principal exposant Dieudonné Essomba, de faire la lumière sur le thème de cette conférence 2024.S’agissant des innovations, la loi de finances prévoit par exemple la suppression de l’abattement fiscal de 10% qui était jusqu’à la dernière année budgétaire accordé pour les bières tirant un degré d’alcool inférieur à 5,5. Aussi, l’État a ré- duit de 25 à 10% l’abattement fiscal pour les boissons gazeuses. En clair, les exploitants du secteur brassicole et des boissons gazeuses verront leurs impôts augmenter en 2024. Cette mesure selon la DGI, vise à renforcer l’imposition des produits à externalité négative tels que les alcools et soda. En 2024, l’imposition ne se fera aussi sur les bénéfices générés à partir de l’exploitation des plateformes numériques. Un taux de 5% sera désormais prélevé relevant des Bénéfices non commerciaux (BNC) à tout citoyen qui tire des bénéfices de l’exploitation des plateformes numériques.

Evalué à 6740,1 milliards de Fcfa, le budget 2024 a connu une augmentation de 13,2 milliards de Fcfa en valeur absolue et de 0,2% en valeur relative par rapport à celui de 2023.

IntervIew

Dieudonné Essomba, économiste
« La non-maitrise du budget au Cameroun relève davantage des impacts d’un système économique déséquilibré »

Pourquoi le pays ne parvient –il pas à maitriser son budget ?

La non-maitrise budgétaire provient de trois catégories de causes : les mauvaises anticipations budgétaires conduisant à un budget irréaliste, situé au-delà des capacités du pays. Ces mauvaises anticipations viennent soit de l’absence d’un capital humain capable de mener des activités d’analyse économique, soit d’une interférence abusive et exagérée du politique. S’agissant du Cameroun sur la base de deux arguments, le budget relativement faible et l’existence des outils relativement fiables et un capital humain capable de faire de bonnes anticipations. La deuxième cause est la mauvaise gouvernance opérationnelle du budget. Ceci renvoie à la violation des procédures pertinentes prévues pour la gestion du budget pour des raisons diverses, et en particulier, l’engagement des dépenses non-prévues au détriment des dépenses pré- vues, les défaillances dans le suivi, l’impunité, etc. Il convient de préciser que cette cause est importante au Cameroun et a souvent fait l’objet des dénonciations du chef de l’Etat lui-même, ainsi que des partenaires. Ajoutons que le formidable arsenal visant à améliorer les Finances publiques a réduit dans une large mesure ces pratiques. La troisième et non des moindres est le verrou de la contrepartie extérieure. Un phénomène lié aux déséquilibres extérieurs du pays et cause majeure des désordres budgétaires, rendant la réalisation du budget impossible. Pour être plus explicite, dans un pays peu industrialisé, le fonctionnement de tous les secteurs économiques requiert des importations massives et par suite, des besoins massifs de devises. En particulier, le budget y est particulièrement consommateur des devises à cause de l’importation massive des machines et des demi-produits, amplifiés par la demande de consommation de ses agents dont le profil de consommation est fortement tourné vers l’extérieur. Or, les devises sont rationnées et ne correspondent qu’aux recettes extérieures et non aux besoins du pays. Dans ces conditions, toute réalisation du budget exige le recours à d’importantes demandes en devises qui va déclencher un cycle infernal qui va dévoyer toute la gouvernance budgétaire. La non-maitrise du budget au Cameroun relève davantage des impacts d’un système économique déséquilibré qui vient déstabiliser la gouvernance budgétaire. Celle-ci ne pourrait donc jamais s’améliorer de manière significative sans des mesures macroéconomiques qui restaurent des succédanées de la politique commerciale et de la politique monétaire.

Quelles solutions préconisées ?

Il n’y a aucun doute. Le Gouvernement doit poursuivre son effort pour améliorer sa gouvernance budgétaire. Mais tout cela n’aura pas une grande utilité si le pays n’arrive pas à neutraliser le verrou de la contrepartie extérieure et à renormaliser son système macroéconomique. La solution consiste à réduire la pression sur la demande extérieure, ce qu’on peut obtenir par des voies autoritaires, par le recours au contrôle des frontières ou par un système monétaire. Toutefois, ces solutions sont très couteuses, difficiles à appliquer, très peu sélectives et surtout, peu conformes aux engagements internationaux du Cameroun. La solution optimale est une adaptation des expériences de Système d’échange local qu’on trouve en Europe et en Amérique. C’est une solution très simple, très peu risquée, très peu coûteuse, et qui consiste à greffer sur le Cfa, un instrument de paiement supplémentaire qui fonctionne comme un bon d’achat.

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